Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bureau des droits d’héritage ; puis il fallut rédiger un contrat pour la vente de l’auberge, ratifier ledit contrat, dresser des inventaires, accumuler des masses de papier, expédier des déjeuners, avaler des dîners, et faire enfin une foule d’autres choses également nécessaires et profitables. Aussi M. Salomon Pell, et son garçon, et son sac bleu par-dessus le marché, se remplumèrent-ils si bien qu’on aurait eu infiniment de peine à les reconnaître pour le même homme, le même garçon et le même sac, qui flânaient à vide, quelques jours auparavant, dans Portugal-Street.

À la fin, toutes ces importantes affaires ayant été arrangées, un jour fut fixé pour la vente et le transfert en rentes qui devait être fait par les soins de Wilkins Flasher, esquire[1], agent de change, demeurant aux environs de la Banque, lequel avait été recommandé par M. Salomon Pell.

C’était une sorte de jour de fête, et nos amis n’avaient pas manqué de se costumer en conséquence. Les bottes de M. Weller étaient fraîchement cirées et ses vêtements arrangés avec un soin particulier. Le gentleman au teint marbré portait à la boutonnière de son habit un énorme dahlia garni de quelques feuilles, et les habits de ses deux amis étaient ornés de bouquets de laurier et d’autres arbres verts. Tous les trois avaient mis leur costume de fête, c’est-à-dire qu’ils étaient enveloppés jusqu’au menton, et portaient la plus grande quantité possible de vêtements ; ce qui a toujours été le nec-plus-ultra de la toilette pour les cochers de voitures publiques, depuis que les voitures publiques ont été inventées.

M. Pell les attendait à l’heure désignée, dans le lieu de réunion ordinaire. Lui aussi avait mis une paire de gants et une chemise blanche, malheureusement éraillée au col et aux poignets par de trop fréquents lavages.

« Deux heures moins un quart, dit-il en regardant l’horloge de la salle. Le meilleur moment pour aller chez M. Flasher c’est deux heures un quart.

— Que pensez-vous d’une goutte de bière, gentlemen ? suggéra l’homme au teint marbré.

— Et d’un petit morceau de bœuf froid ? dit le second cocher.

— Écoutez ! écoutez ! cria Pell.

— Ou bien d’une huître ? ajouta le troisième cocher, qui était un gentleman enroué, supporté par des piliers énormes.

  1. En Angleterre tout le monde peut s’établir agent de change.