Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/397

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fille, à qui il avait déjà lancé plusieurs œillades très-peu paternelles. À la fin, il déclara que ce n’était pas à lui de s’opposer aux désirs de M. Pickwick, et qu’il suivrait toujours ses avis avec grand plaisir. Notre excellent ami le prit au mot avec empressement, et sans lui donner le temps de la réflexion, fit comparaître son domestique.

« Sam, dit M. Pickwick en toussant un peu, car il avait quelque chose dans la gorge, votre père et moi, avons eu une conversation à votre sujet.

— À ton sujet, Samivel, répéta M. Weller, d’un ton protecteur et calculé pour faire de l’effet.

— Je ne suis pas assez aveugle, Sam, pour ne pas m’être aperçu, depuis longtemps, que vous avez pour la femme de chambre de madame Winkle, plus que de l’amitié.

— Tu entends, Samivel, ajouta M. Weller du même air magistral.

— J’espère, monsieur, dit Sam en s’adressant à son maître ; j’espère qu’il n’y a pas de mal à ce qu’un jeune homme remarque une jeune femme qui est certainement agréable, et d’une bonne conduite.

— Aucun, dit M. Pickwick.

— Pas le moins du monde, ajouta M. Weller, d’une voix affable mais magistrale.

— Loin de penser qu’il y ait du mal dans une chose si naturelle, reprit M. Pickwick, je suis tout disposé à favoriser vos désirs. C’est pour cela que j’ai eu une petite conversation avec votre père ; et comme il est de mon opinion…

— La personne n’étant pas une veuve, fit remarquer M. Weller.

— La personne n’étant pas une veuve, répéta M. Pickwick en souriant, je désire vous délivrer de la contrainte que vous impose votre présente condition auprès de moi, et vous témoigner ma reconnaissance pour votre fidélité, en vous mettant à même d’épouser cette jeune fille, sur-le-champ, et de soutenir, d’une manière indépendante, votre famille et vous-même. Je serai fier, poursuivit M. Pickwick, dont la voix jusque-là tremblante, avait repris son élasticité ordinaire, je serai fier et heureux de prendre soin moi-même de votre bien-être à venir. »

Il y eut pendant quelques instants un profond silence, après lequel, Sam dit d’une voix basse et entrecoupée, mais ferme néanmoins :