Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/108

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émoussés qu’autrefois. Mais le plus tôt que vous pourrez faire vos petites dispositions de départ sera le mieux.

— Sans doute…, dit le vieillard ; ce sera le mieux pour tout le monde.

— Vous voyez, poursuivit Quilp après un moment de silence, les meubles une fois enlevés, la maison sera incommode, et, de fait, inhabitable.

— C’est vrai. Et la pauvre Nelly, donc, qu’est-ce qu’elle deviendrait ?

— Justement ! cria le nain en secouant la tête ; on ne pouvait mieux dire. Alors, voisin, vous y réfléchirez, n’est-ce pas ?

— Certainement oui. Nous ne pouvons pas rester ici.

— C’est ce que je supposais, répliqua le nain. J’ai vendu les meubles. Ils n’ont pas tout à fait rendu autant qu’il l’eût fallu, mais enfin, pas mal, pas mal. C’est aujourd’hui mardi. Quand ferons-nous enlever ces meubles ?

— Rien ne presse…

— Voulez-vous que ce soit cette après-midi ?

— Vendredi matin, plutôt.

— Très-bien, dit le nain ; c’est convenu ; mais qu’il soit entendu, voisin, que je ne puis, sous aucun prétexte, dépasser cette limite.

— Bien, répondit le vieillard. Je m’en souviendrai. »

M. Quilp parut abasourdi de la résignation étrange avec laquelle le vieillard avait parlé ; mais comme celui-ci inclinait la tête en répétant : « Vendredi matin. Je m’en souviendrai, » le nain, comprenant qu’il n’avait plus aucun prétexte plausible pour prolonger l’entretien, prit amicalement congé avec force protestations de bon vouloir, et force compliments à son vieil ami sur son retour merveilleux à la santé. Puis il descendit conter à M. Brass comment il avait su arranger l’affaire.

Toute cette journée et tout le lendemain, le vieillard demeura dans le même état moral. Il parcourait de haut en bas la maison, visitant tour à tour les diverses chambres, comme s’il éprouvait un vague désir de leur dire adieu ; mais il ne fit aucune allusion directe ou indirecte à la visite qu’il avait reçue le matin, ainsi qu’à la nécessité où il était de chercher un autre logis. Il avait bien une idée confuse que son enfant était affligée et menacée d’être réduite au dénûment : car plusieurs fois il la pressa contre son sein et l’invita à se rassurer, en lui disant