Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, jamais, jamais nous ne retournerons là-bas, jamais dit le vieillard étendant sa main vers la ville. Toi et moi, ma Nelly, nous en sommes affranchis… Ah ! ils ne nous y reprendront plus !

— Êtes-vous fatigué ? demanda l’enfant. Êtes-vous sûr que cette longue marche ne vous rendra point malade ?

— Je ne suis plus malade, maintenant que nous sommes loin de Londres. Nell, remettons-nous en route. Il faut aller plus loin encore, loin, bien loin. Nous sommes trop près pour nous arrêter et nous reposer. Marchons ! »

Il y avait dans le pré une flaque d’eau limpide où Nelly se lava le visage et les mains, et se rafraîchit les pieds avant de poursuivre le voyage. Elle voulut que le vieillard en fît autant ; docile à son invitation, il s’assit sur l’herbe : l’enfant le lava avec ses petites mains et procéda à la toilette de son grand-père.

« Ma chérie, disait celui-ci, je ne puis plus me servir moi-même : j’ignore comment je le pouvais autrefois, mais c’est fini. Ne me quitte pas, Nell ; dis que tu ne me quitteras pas. Je t’ai toujours aimée. Si je te perdais aussi, mon enfant, je n’aurais plus qu’à mourir. »

Il appuya en gémissant sa tête sur l’épaule de Nelly. Autrefois, et même peu de jours auparavant, Nelly eût été impuissante à retenir ses larmes et elle eût pleuré avec son grand-père : mais en ce moment elle le calma par ses douces et tendres paroles, elle sourit en l’entendant supposer qu’ils pussent jamais se séparer, et tourna cette idée en plaisanterie. Le vieillard rassuré s’endormit en murmurant une chanson comme un petit enfant.

À son réveil, il se trouva bien reposé. Les voyageurs se remirent en marche. Le chemin était enchanteur ; il traversait de belles prairies et des champs de blé au-dessus desquels l’alouette, se balançant dans l’espace azuré du ciel, jetait avec gaieté son heureuse chanson. L’air était chargé des senteurs qu’il avait recueillies sur son passage, et les abeilles, portées par le souffle embaumé du zéphyr, exprimaient leur satisfaction par un bourdonnement monotone.

Le vieillard et Nelly se trouvaient en pleine campagne ; les maisons qu’ils apercevaient étaient peu nombreuses, et semées à de larges distances, souvent à un mille l’une de l’autre. De