Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/143

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Le joyeux compère fut le premier à saluer les étrangers d’une inclination de tête, et, suivant la direction que prirent les yeux du vieillard, il fit la remarque que celui-ci n’avait peut-être jamais vu Polichinelle que sur la scène. Polichinelle, en ce moment, nous sommes fâché de le dire, semblait montrer avec la pointe de son chapeau une des plus pompeuses épitaphes et en rire de tout son cœur.

« Pourquoi venez-vous ici pour une pareille besogne ? demanda le vieillard s’asseyant auprès d’eux et contemplant les marionnettes avec un sensible plaisir.

— Mais, répondit le petit homme, c’est que nous donnons ce soir une représentation à l’auberge qui est là-bas, et il ne faudrait pas qu’on nous vit réparer nos personnages.

— Non ? s’écria le vieillard faisant signe à Nelly d’écouter ; et pourquoi pas ! hein ? pourquoi pas ?

— Parce que cela détruirait toute illusion et enlèverait tout intérêt. Je parie que vous ne donneriez pas un sou pour voir le lord chancelier, si on vous le montrait en robe de chambre et sans sa perruque ? Non, certainement non.

— Très-bien ! … dit le vieillard se hasardant à toucher une des marionnettes ; puis retirant sa main avec un éclat de rire, il ajouta : « C’est donc ce soir que vous devez les montrer ?

— Oui, telle est notre intention, mon maître, et je me trompe fort, ou Tommy Codlin est en train de calculer ce que vous nous avez fait perdre en venant nous surprendre dans nos opérations. Rassurez-vous, Tommy, ça ne peut pas être grand’chose. »

Le petit homme accompagna ces derniers mots d’un clignement d’yeux qui voulait dire qu’il n’avait pas grande idée de l’état des finances des deux voyageurs.

M. Codlin, qui avait les manières brusques et moroses, répliqua en enlevant Polichinelle du sommet de la tombe et le rejetant dans la boîte :

« Je m’inquiète peu que nous ayons perdu un liard. Mais vous êtes trop inconsidéré. Si vous étiez devant le rideau, et si comme moi vous voyiez le public en face, vous connaîtriez mieux la nature humaine.

— Ah ! Tommy, c’est bien ce qui vous a perdu, de vous attacher à cette branche d’industrie. Lorsque vous représentiez les revenants des drames réguliers dans les foires, vous croyiez à tout excepté aux revenants. Mais maintenant vous êtes un in-