Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/163

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montrant le vieux conducteur de la troupe et parlant d’un ton menaçant, ce chien m’a perdu un sou aujourd’hui. Il ira se coucher sans souper. »

Le malheureux animal se laissa tomber sur ses pattes de devant, remua sa queue, et par son regard implora la compassion du maître.

« Une autre fois, monsieur, vous serez plus soigneux, dit Jerry allant froidement vers la chaise où il avait placé son orgue, et remontant le mécanisme : venez ici. Maintenant, monsieur, jouez, s’il vous plaît, pendant que nous souperons, et bougez de là, si vous l’osez ! »

Le chien se mit immédiatement en devoir de faire grincer la musique la plus lugubre. Son maître vint reprendre sa place, après avoir eu soin de lui montrer le bout de la houssine, et il appela ses autres acteurs qui, dociles à sa voix, s’alignèrent comme des soldats.

« À vous, messieurs, dit Jerry les regardant fixement. Le chien que je nommerai mangera. Les chiens que je n’aurai pas nommés devront se tenir tranquilles. Carlo ! »

L’heureux animal dont le nom venait d’être prononcé happa le morceau jeté devant lui, mais aucun des autres ne bougea. Leur maître leur donna ainsi à manger à sa manière. Pendant ce temps, le chien mis en pénitence tournait la manivelle de l’orgue, tantôt vite, tantôt lentement, mais sans s’arrêter un seul instant. Lorsque le bruit des couteaux et des fourchettes redoublait, ou bien qu’un des camarades attrapait un bon morceau de gras, le pauvre chien accompagnait sa musique d’un hurlement plaintif ; mais il se taisait aussitôt en rencontrant le regard de son maître et se remettait avec plus d’ardeur que jamais à jouer l’air du sire de Framboisy.






CHAPITRE XIX.


Le souper n’était pas achevé, lorsqu’arrivèrent aux Jolly-Sandboys deux nouveaux voyageurs amenés en ce lieu par le même motif que les autres : durant plusieurs heures, ils avaient