Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il venait aussi chercher quelques renseignements sur les fugitifs.

« J’ai supposé que c’était la vérité !

— Oui, dit Richard, oui, tel était le but de mon expédition. Je m’imaginais que c’était possible : il ne nous reste plus qu’à sonner le glas funèbre de l’imagination. Je donnerai l’exemple.

— Vous semblez désappointé ? dit Quilp.

— Un échec, monsieur, un échec, voilà tout, répondit Dick. Je me suis mêlé d’une affaire qui n’a abouti qu’à un échec ; et un chef-d’œuvre d’éclat et de beauté sera offert en sacrifice sur l’autel de Cheggs. Voilà tout, monsieur. »

Le nain lança à Richard un sourire moqueur ; mais Richard, qui avait pris avec un ami un lunch un peu trop fort, ne s’aperçut de rien et continua à déplorer son sort avec des regards sombres et désespérés. Quilp n’eut pas de peine à comprendre que la visite de Swiveller et son violent déplaisir avaient un motif secret, et dans l’espérance de pouvoir y trouver une occasion de jouer un mauvais tour, il se promit de pénétrer au fond du mystère. Il n’eut pas plutôt pris cette résolution, qu’il donna à sa physionomie l’expression de la candeur la plus ingénue et sympathisa ouvertement avec Swiveller.

« Moi-même, dit Quilp, j’éprouve un grand désappointement au simple point de vue de l’amitié que je leur avais vouée ; mais quant à vous, mon cher monsieur, vous avez des raisons sérieuses, des raisons personnelles qui, sans doute, vous rendent ce désappointement encore plus pénible.

— Je crois bien, dit Richard d’un ton bourru.

— Sur ma parole, j’en suis fâché, très-fâché. Moi-même, ils m’ont planté là. Puisque nous sommes compagnons d’infortune, pourquoi ne chercherions-nous pas aussi à nous consoler de compagnie ? Si quelque affaire privée ne vous appelait pas en ce moment d’un autre côté, ajouta Quilp le tirant par la manche et le regardant du coin de l’œil en plein visage, il y a au bord de l’eau une maison où l’on débite le meilleur schiedam qu’il y ait au monde ; il passe pour provenir de contrebande, mais c’est entre nous. Le maître du lieu me connaît bien. On y trouve un petit kiosque sur la Tamise, où nous pourrons prendre un verre de cette délicieuse liqueur avec une pipe d’excellent tabac comme on n’en trouve que là ; j’en sais quelque chose : un tabac première qualité. On y est tout à fait à son aise et commodément