Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/224

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— Je l’ignore, madame.

— Vous l’ignorez ! Comment, vous qui y étiez ! Je vous ai vue de mes propres yeux. »

Nelly ne fut pas médiocrement effrayée d’entendre ces paroles, car elle supposa que la dame pouvait être liée avec la maison de commerce Short et Codlin ; mais ce qui suivit fut de nature à la rassurer.

« Et j’ai regretté beaucoup, ajouta la maîtresse de la caravane, de vous voir en compagnie d’un polichinelle ; un misérable, un bas histrion que l’on devrait même rougir de regarder.

— Je n’y étais pas par goût, madame. Nous ignorions notre chemin ; ces deux hommes ont bien voulu nous accueillir et nous emmener avec eux. Est-ce que… est-ce que vous les connaissez, madame ? »

La maîtresse de la caravane jeta une sorte de cri.

« Moi les connaître ! moi connaître ça ! … Mais vous êtes jeune et sans expérience, et par conséquent je vous pardonne de me faire une pareille question. Est-ce que j’ai l’air de les connaître ? Est-ce que la caravane a l’air de connaître ça ? …

— Non, madame, non… dit l’enfant, craignant d’avoir commis quelque faute grave. Je vous demande pardon. »

Ce pardon fut immédiatement accordé, quoique la dame parût encore toute hors d’elle-même devant cette supposition offensante. L’enfant lui expliqua alors qu’ils avaient quitté les courses dès le premier jour et qu’ils se rendaient par cette route à la ville la plus proche, avec l’intention d’y passer la nuit. Comme la physionomie de la dame commençait à s’éclaircir, Nelly se hasarda à demander s’il y avait loin. La dame, après lui avoir bien expliqué d’abord qu’elle avait été aux courses le premier jour en cabriolet, par partie de plaisir, mais sans y avoir affaire et sans intérêt, finit par lui répondre que la ville était encore à huit milles de là.

Ce renseignement peu encourageant déconcerta Nelly, qui ne put retenir une larme en mesurant du regard la route de plus en plus ténébreuse. Le grand-père ne fit pas entendre de plainte, mais il soupira profondément, appuyé sur son bâton et cherchant vainement à mesurer des yeux l’étendue du chemin poudreux.

La maîtresse de la caravane s’occupait de ranger sa tasse et