Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/246

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nages fut attestée par miss Monflathers, qui était à la tête du principal pensionnat et externat de la ville. Elle daigna, avec huit demoiselles choisies, prendre une vue particulière de l’exposition, et fut frappée de l’extrême exactitude des figures. M. Pitt, avec un bonnet de nuit et une robe de chambre, mais sans bottes, représentait le poëte Cowper à s’y méprendre ; et la reine d’Écosse Marie, avec une perruque noire, un col de chemise blanc et un costume masculin, donnait tellement l’idée de lord Byron, dont on lui avait prêté le nom, que les jeunes personnes en jetèrent un cri d’admiration lorsqu’elles l’aperçurent. Miss Monflathers, cependant, réprima cet enthousiasme, et reprocha à mistress Jarley de n’avoir pas fait un meilleur choix, disant que Sa Seigneurie avait professé, de son vivant, certaines opinions libres tout à fait incompatibles avec l’honneur de se voir mouler en cire après sa mort ; elle parla même du curé de sa paroisse et du respect dû au clergé, mais Mme Jarley ne comprit pas ce qu’elle voulait dire.

Bien que ses fonctions fussent passablement laborieuses, Nelly trouvait dans la maîtresse de la caravane une personne bienveillante et pleine d’attention, qui non-seulement avait un soin particulier pour tout ce qui concernait son propre confort, mais qui voulait aussi qu’autour d’elle chacun eût sa part de bien-être. Ce dernier goût est, nous devons l’avouer, beaucoup plus rare que le premier, même chez les personnes qui vivent dans une atmosphère supérieure aux caravanes, et l’un n’entraîne pas l’autre, ainsi qu’on pourrait le croire. Comme sa popularité lui valait diverses petites libéralités du public sur lesquelles sa maîtresse ne prélevait aucun tribut, et comme son grand-père, qui savait se rendre utile, était également bien traité, Kelly n’avait aucun sujet d’inquiétude auprès de Mme Jarley, sauf le souvenir de Quilp et la crainte qu’ils n’en fissent quelque jour la rencontre subite.

Quilp, en effet, était comme un perpétuel cauchemar pour l’enfant, tourmentée sans cesse par la vision de cette face hideuse, de ce corps rabougri. Pour plus de sûreté, elle couchait dans la salle d’exposition, et jamais elle n’y entrait pour se mettre au lit sans se tourmenter l’esprit (elle ne pouvait pas s’en empêcher) à trouver une ressemblance imaginaire entre ces figures de cire, froides et immobiles comme la mort, avec le nain redouté. Cette idée prenait sur elle parfois tant d’empire, que