Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/267

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près d’elle. Alors elle la salua et lui présenta son petit paquet. Miss Monflathers le lui prit des mains et fit faire halte.

« N’êtes-vous pas, dit-elle, l’enfant qui montre les figures de cire ?

— Oui, madame, répondit Nelly, qui rougit beaucoup ; car les élèves l’avaient entourée, et elle était devenue le centre sur lequel tous les yeux étaient fixés.

— Et ne sentez-vous pas que vous n’êtes qu’une mauvaise petite fille avec vos figures de cire ? dit miss Monflathers qui n’était pas d’un caractère très-agréable et qui ne laissait échapper aucune occasion de graver des vérités morales dans l’esprit tendre et délicat de ses jeunes élèves. »

Jamais la pauvre Nelly n’avait envisagé sa position sous ce point de vue. Ne sachant que répondre, elle se tut, mais elle rougit encore davantage.

« Ne sentez-vous pas, dit miss Monflathers, que c’est un métier misérable et anti-féminin ; que c’est déroger aux qualités qui nous ont été accordées par la sagesse et la bonté divine, avec une puissance expansive destinée à les faire sortir de leur état somnolent par l’intermédiaire de la culture de l’esprit ? »

Les deux sous-maîtresses témoignèrent respectueusement leur approbation de cette attaque directe, puis regardèrent Nelly comme pour lui faire comprendre toute la force du coup que miss Monflathers venait de lui porter. Ensuite elles sourirent en regardant miss Monflathers ; mais elles fixèrent leurs yeux l’une sur l’autre de manière à faire entendre que chacune d’elles se considérait comme la seule qui eût le droit de sourire aux propos de miss Monflathers, et que l’autre n’avait pas qualité pour cela et commettait en souriant un acte de présomptueuse impertinence.

« Ne sentez-vous pas, reprit miss Monflathers, combien vous êtes coupable d’exercer ce métier de montreuse de figures de cire, lorsque vous pourriez vous faire honneur d’aider, dans la mesure de vos forces, à la prospérité des manufactures de votre pays ; élever votre esprit par la contemplation constante des machines à vapeur, et gagner noblement par semaine un salaire confortable de trois francs quarante à trois francs soixante-quinze ? Ne sentez-vous pas que plus on travaille, plus on est heureux ?

— Telle la petite abeille…, » murmura l’une des sous-maîtresses, citant le docteur Watts.