Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/285

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Swiveller siégera-t-il ? demanda Quilp en tournant, les yeux de tous côtés.

— Nous achèterons pour lui un autre tabouret, monsieur, répondit Brass. Nous ne prévoyions pas que nous dussions avoir un gentleman avec nous, jusqu’au jour où vous avez eu la bonté de nous y engager ; et notre mobilier n’est pas considérable. Nous verrons à nous procurer un nouveau siège, monsieur. En attendant, si M. Swiveller veut prendre le mien et s’exercer la main à faire une belle copie de cette signification, comme je dois sortir et rester dehors toute la matinée…

— Venez avec moi, dit Quilp. J’ai à vous entretenir de quelques affaires. Avez-vous un peu de temps à perdre ?

— Est-ce que c’est perdre du temps que de l’employer à sortir avec vous, monsieur ? Vous plaisantez, monsieur, vous plaisantez ! s’écria l’homme de loi en prenant son chapeau. Je suis prêt, monsieur, tout à fait prêt. Il faudrait que je fusse bien occupé pour n’avoir pas le temps de sortir avec vous. Il n’est pas donné à tout le monde, monsieur, de pouvoir jouir et profiter de la conversation de M. Quilp. »

Le nain lança un regard sarcastique à son ami au cœur d’airain, et, avec une petite toux sèche, il tourna sur ses talons pour dire adieu à miss Sally. Après cet adieu, galant du côté de Quilp, très-froid et cérémonieux du côté de miss Sally, il fit un signe de tête à Dick Swiveller, et se retira avec le procureur.

Dick était resté penché sur son pupitre dans un véritable état de stupéfaction, contemplant fixement la belle Sally, comme si c’était un animal curieux, unique en son espèce. Le nain, quand il fut dans la rue, monta de nouveau sur le rebord de la croisée, et jeta dans l’intérieur de l’étude un coup d’œil accompagné d’une grimace, comme un homme qui regarde des oiseaux dans une cage. Dick tourna les yeux vers lui, mais sans avoir l’air de le reconnaître ; et longtemps après qu’il eut disparu, le jeune homme contemplait encore miss Sally Brass ; cloué à sa place, il ne voyait pas autre chose, il ne pensait pas à autre chose.

Pendant ce temps, miss Brass, plongée dans son état de frais et déboursés, etc., ne s’occupait nullement de Dick, mais elle griffonnait en faisant craquer sa plume, traçant les caractères avec un plaisir évident, et travaillant à toute vapeur. Dick avait poursuivi le cours de sa contemplation qui tantôt se portait sur la robe verte, tantôt sur la coiffure brune, tantôt sur le visage,