Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mon absence n’a été déjà que trop longue, monsieur, répondit Nelly en essayant ses yeux.

— Eh bien ! si vous voulez partir, vous êtes libre. Nelly. Voici ma lettre. C’est seulement pour dire que je le verrai demain ou après-demain, et que je ne puis faire aujourd’hui pour lui cette petite affaire. Adieu, Nelly. Et vous, monsieur, veillez bien sur elle ; vous m’entendez ? »

Kit, qui avait apparu pour obéir à cet ordre, ne daigna pas répondre à une recommandation aussi inutile ; et, après avoir lancé à Quilp un regard menaçant, comme s’il attribuait au nain les pleurs que Nelly avait versés et se sentait disposé à les lui faire payer cher, il tourna le dos et suivit sa jeune maîtresse, qui avait pris congé de Betzy et était partie.

Dès que les deux époux furent seuls, le nain s’écria :

« Vous êtes habile à poser des questions, mistress Quilp !

Que pouvais-je faire de plus ? demanda-t-elle avec douceur.

— Ce que vous pouviez faire de plus ? dit Quilp en ricanant. C’est à moi à vous demander ce que vous pouviez faire de moins ! Ne pouviez-vous faire ce que je vous avais prescrit sans prendre vos airs favoris de pleurnicheuse, coquine !…

— Vraiment, je suis fort affligée pour cette enfant, Quilp. J’en ai fait bien assez. Je l’ai amenée à me confier son secret lorsqu’elle nous supposait seules… Et vous, vous étiez là !… Que Dieu me pardonne !

— Vous l’avez amenée là !… Le beau malheur ! Ah ! j’avais eu raison de vous dire que je ferais craquer la porte. Il est fort heureux pour vous que, grâce au peu de mots qu’elle a laissés échapper, j’aie saisi le fil dont j’avais besoin ; car, autrement, c’est à vous que je m’en serais pris, soyez-en sûre ! »

Mistress Quilp, qui était loin d’en douter, ne répliqua rien. Son mari ajouta avec une certaine chaleur :

« Mais rendez grâces à votre bonne étoile, cette même étoile qui a fait de vous la compagne de Quilp, rendez-lui grâces de ce que je suis enfin sur la trace du vieillard, de ce que j’ai attrapé un rayon de lumière. Plus un mot sur ce sujet, soit maintenant, soit à l’avenir. Vous n’avez pas besoin de faire un dîner trop confortable, car je n’y serai pas ce soir. »

En parlant ainsi, M. Quilp prit son chapeau et s’en alla. Betzy, désolée du rôle qu’elle avait été obligée de jouer, se retira dans