Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 2.djvu/19

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une vive impatience quand la mère de Barbe arriva en s’extasiant sur la beauté du temps (ce qui ne l’avait pas empêchée de se munir d’un grand parapluie, car c’est un meuble sans lequel les gens de cette catégorie sortent rarement aux jours de fête), et quand on sonna pour les avertir de monter l’escalier pour aller recevoir leur trimestre en or et en argent.

Et puis M. Garland ne fut-il pas bien bon quand il dit :

« Christophe, voici vos gages, vous les avez bien gagnés ? »

Et mistress Garland ne fut-elle pas excellente quand elle dit : « Barbe, voici ce qui vous revient ; je suis très-contente de vous ! » Et Kit, comme il signa son reçu d’une main ferme ! Et Barbe, comme elle tremblait en signant le sien ! Et comme il fut intéressant de voir mistress Garland verser à la mère de Barbe un verre de vin, et d’entendre la mère de Barbe s’écrier : « Dieu vous bénisse, madame, vous qui êtes une si bonne dame ; et vous aussi, mon bon monsieur. À votre santé, Barbe, mon cher amour. À votre santé, monsieur Christophe. » Elle resta aussi longtemps à boire que si son verre avait été un vidrecome ; et, ses gants aux mains, elle regardait la compagnie et causait gaiement ; mais c’est quand ils furent tous sur l’impériale de la diligence, qu’il fallait les voir rire à cœur joie en repassant tous ces bonheurs et s’apitoyer sur les gens qui n’ont pas de jour de congé !

Quant à la mère de Kit, n’aurait-on pas dit qu’elle était de bonne famille et qu’elle avait été toute sa vie une grande dame ? Elle était sous les armes pour les recevoir avec tout un attirail de théière et de tasses qui eût brillé dans une boutique de porcelaines. Le petit Jacob et le poupon étaient si parfaitement arrangés, que leurs habits paraissaient comme tout neufs, et Dieu sait cependant s’ils étaient vieux. On n’était pas assis depuis cinq minutes, que la mère de Kit disait que la mère de Barbe était exactement la personne qu’elle s’était figurée ; la mère de Barbe disait la même chose de la mère de Kit ; la mère de Kit complimentait la mère de Barbe sur sa fille, et la mère de Barbe complimentait la mère de Kit sur son fils ; Barbe elle-même était au mieux avec le petit Jacob ; mais aussi, jamais enfant ne sut mieux que celui-ci accourir quand on l’appelait, ni se faire comme lui des amis.

« Et dire que nous sommes veuves toutes les deux, dit la mère de Barbe. Vrai ! nous étions nées pour nous connaître.