Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/112

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— Oui, oui ! répliqua Nicolas.

— Mais moi ! quelles sont les figures qui viendront me sourire, à l’article de la mort ? »

Smike frissonnait.

« Qui viendra causer avec moi, dans ces longues nuits ? Elles ne peuvent pas venir de chez moi ; elles me feraient peur, car je ne sais seulement pas ce que c’est qu’un chez moi, et je ne les reconnaîtrais pas. Douleur et crainte, crainte et douleur, voilà mon sort, à la vie et à la mort. Non, non, pas d’espérance ! »

La cloche du clocher sonna. Smike en l’entendant, retomba dans son état habituel d’insensibilité et se glissa sans bruit pour n’être point remarqué. Nicolas avait le cœur bien gros lorsque, quelques moments après, il se retira, ou plutôt suivit les élèves entassés dans leur dortoir sale et infect.


CHAPITRE IX.

Mlle Squeers, Mme Squeers, le jeune Squeers et M. Squeers : différents détails et différentes personnes qui n’intéressent pas moins les Squeers que Nicolas Nickleby.

Quand M. Squeers quitta l’étude, vers le soir, il se retira, comme nous l’avons déjà dit, au coin de son feu. Ce n’était pas dans la chambre où Nicolas avait soupé la veille de son arrivée, mais dans une pièce plus petite, sur le derrière, où il trouva madame son épouse, son aimable fils et sa fille accomplie, savourant les délices de leur société réciproque. Mme Squeers, fidèle à son rôle de matrone antique, était occupée activement à ravauder des bas : la jeune demoiselle et le petit gentleman s’occupaient, de leur côté, à accommoder quelque léger différent, moyennant un exercice de pugilat par-dessus la table, qui fut remplacé, à l’approche de leur père vénéré, par un échange silencieux de coups de pied mutuels par-dessous leur ancien champ de bataille.

C’est ici le lieu de présenter au lecteur Mlle Fanny Squeers, alors âgée de vingt-trois ans. S’il est vrai qu’il y ait une grâce et des agréments inséparables de cette heureuse période de la vie, nous devons croire qu’elle possédait ceux-là, plutôt que de supposer qu’elle formait une exception unique à la règle générale.