Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/173

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— Que tout cela finisse ! dit Squeers avec un cri de rage.

— Oui, » dit Nicolas d’une voix de tonnerre.

Dans une profonde stupeur d’une pareille hardiesse, Squeers lâcha Smike et, reculant d’un pas ou deux, fixa sur Nicolas un regard véritablement effrayant.

« Je l’ai dit, répéta Nicolas sans se laisser émouvoir, et cela finira. J’y mettrai ordre. »

Squeers prolongeait sur lui son regard terrible : les yeux lui sortaient de la tête : tout cela sans pouvoir dire un mot, car l’étonnement l’avait rendu muet.

« Vous n’avez eu aucun égard à mon intervention pacifique en faveur de ce pauvre garçon, dit Nicolas ; vous n’avez pas même répondu à la lettre dans laquelle je vous demandais son pardon et vous promettais qu’il resterait tranquille désormais sous ma responsabilité. Si donc j’interviens ici publiquement, vous ne pouvez m’en faire un reproche, prenez-vous-en à vous-même, et non à moi.

— Voulez-vous vous rasseoir, va-nu-pieds, cria Squeers hors de lui et ressaisissant Smike avec une rage nouvelle.

— Misérable ! repartit Nicolas d’un air farouche, si vous le touchez, gare à vous ! je ne suis pas là pour vous laisser faire : le sang me bout dans les veines, et je me sens la force de terrasser dix hommes comme vous : prenez-y garde, au nom du ciel, car si vous me poussez à bout, je ne vous manquerai pas.

— Retirez-vous ! cria Squeers brandissant son arme.

— J’ai un long arriéré à solder, dit Nicolas rouge de colère, et mon indignation de toutes les insultes que j’ai souffertes s’accroît des lâches cruautés que vous exercez sur des enfants sans défense dans cette caverne abominable ; prenez-y garde, car si vous me mettez hors de moi, c’est sur votre tête qu’en retomberont de tout leur poids les funestes conséquences. »

Il n’avait pas fini, que Squeers, dans un transport de rage violent, poussant un cri semblable au hurlement d’une bête sauvage, lui cracha à la figure, et, levant son instrument de torture, lui en donna à travers la face un coup, qui lui laissa immédiatement une empreinte livide dans la chair.

Égaré par la douleur et concentrant en ce moment dans un même sentiment sa rage, son mépris et son indignation, Nicolas se jette sur lui, lui arrache le fouet, le prend d’une main à la gorge, et de l’autre il corrige le gredin jusqu’à ce qu’il demande quartier.

Les enfants, à l’exception de maître Squeers, qui, venant en aide à son père, harcelait l’ennemi sur les derrières, ne remuaient ni