Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/210

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C’était une demoiselle qui pouvait avoir dix-huit ans, d’une taille mince et délicate, mais faite à ravir ; elle s’avança timidement vers le bureau, et s’informa tout bas d’une place de gouvernante ou de dame de compagnie. Pour mieux s’expliquer, elle fut obligée de soulever son voile un moment, et ce fut assez pour laisser voir un visage d’une beauté peu commune, quoique obscurci par quelques nuages de tristesse, circonstance plus surprenante encore à raison de sa jeunesse. On lui donna une des adresses inscrites sur le registre, et elle s’esquiva sur la pointe du pied après la cérémonie d’usage à la grosse dame.

Elle était vêtue proprement, mais très simplement : si simplement que, si quelque jeune fille moins gracieuse eût porté son costume, elle y aurait perdu beaucoup et peut-être aurait semblé mesquin et misérable. Sa domestique, car elle en avait une avec elle, était une grosse rougeaude, assez malpropre, des yeux à fleur de tête, des bras marbrés et rugueux mais cachés sous un châle qui avait l’air d’avoir traîné dans la crotte, la figure mal lavée, encore tatouée de charbon et de mine de plomb : c’était, à ne pouvoir s’y méprendre, une servante de l’espèce des bonnes à tout faire qui étaient là rangées sur le banc, et qui avaient échangé avec elle des grimaces et des œillades qui font partie sans doute des signes cabalistiques de la franc-maçonnerie de l’état.

Elle suivit sa maîtresse, qui avait déjà disparu avant que Nicolas fût remis des premiers effets de sa surprise et de son admiration. Je ne voudrais pas parier qu’il ne se fût pas mis à les suivre, s’il n’avait pas été retenu par la curiosité d’entendre le dialogue suivant entre la grosse dame et le teneur de livres :

« Quand revient-elle, Tom ? demanda la grosse dame.

— Demain matin, répondit Tom en taillant sa plume.

— Où l’avez-vous adressée ?

— Chez Mme Clark.

— Elle aura là une jolie petite place, si elle y va, » observa la grosse dame en prenant une prise dans sa tabatière d’étain.

Tom, pour toute réponse, souleva sa joue avec sa langue, et, tournant le bout de sa plume du côté de Nicolas, il fit ressouvenir la grosse dame qu’elle avait à lui adresser la question ordinaire.

« Et vous, monsieur, qu’est-ce que nous pouvons faire pour vous ? »

Nicolas répondit en peu de mots qu’il désirerait savoir si on ne pouvait pas lui procurer un poste de secrétaire ou de copiste chez un gentleman.