Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/22

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tous regardant derrière eux en poussant des cris joyeux, dont la cause s’expliqua d’elle-même quand on vit sir Mathieu Pupker et les deux autres membres du parlement apparaître sur le devant du théâtre, au milieu d’applaudissements assourdissants, et exprimant par leurs gestes muets et leur attitude admirative qu’en vérité ils n’avaient jamais joui d’un si beau coup d’œil dans tout le cours de leur carrière publique.

Enfin l’assemblée cessa le vacarme, mais pour le recommencer de plus belle pendant cinq minutes, quand un vote unanime eut appelé Sir Mathieu Pupker au fauteuil de la présidence. Alors Sir Mathieu Pupker se mit à dire combien il se sentait ému dans cette circonstance solennelle, et l’effet que cette circonstance solennelle ne pouvait manquer d’avoir aux yeux du monde ; il parla de la profonde intelligence de ses compatriotes qui siégeaient devant lui, de la fortune et de la considération des ses honorables amis qui siégeaient derrière lui, et, finalement, de l’influence qu’aurait sur le bien-être, le bonheur, le confort, la liberté, que dis-je ? l’existence d’une nation grande et libre, une institution aussi importante que celle de la compagnie de l’union métropolitaine pour le perfectionnement des petits pains chauds et tartelettes, rendus avec exactitude à domicile.

M. Bonney se présenta ensuite pour proposer la première motion ; et passant sa main droite dans ses cheveux, pendant qu’il tenait la gauche plantée d’une manière élégante sur ses côtes, il confia son chapeau aux soins du gentleman à deux mentons, qui faisait généralement l’office de portemanteau pour les orateurs, et annonça qu’il allait lire sa première proposition, dont voici les termes : « L’assemblée voit avec un sentiment d’alarme et de juste appréhension l’état actuel du commerce des petits pains dans cette métropole et lieux circonvoisins ; elle considère le corps des distributeurs de petits pains, tel qu’il est à présent constitué, comme complètement indigne de la confiance du public ; son opinion est que le système des petits pains, dans son ensemble, est également préjudiciable à la santé comme à la moralité du peuple, et, de plus, entièrement subversif des intérêts bien entendus d’une grande société commerciale et industrielle. » L’honorable gentleman fit un discours qui émut les dames jusqu’aux larmes, et pénétra des plus vives émotions tous les individus présents. Il avait visité les maisons des pauvres dans les divers districts de Londres : il n’y avait pas trouvé la moindre trace de petit pain, et il n’avait que trop lieu de croire qu’il y avait quelques indigents qui n’en goûtaient pas une fois tout le long de l’année. Il avait découvert qu’il existait parmi