Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/221

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que je suis toujours à mon poste, toujours prêt à faire face, sans reculer d’une semelle, aux devoirs de la responsabilité la plus délicate, et ainsi de suite. Vous entendez ? »

Nicolas s’inclina par forme de réponse.

« De plus, continua M. Gregsbury, je lui demanderais, de temps en temps, de lire quelques-uns des tableaux qui accompagnent les rapports officiels et d’en extraire quelques résultats généraux, de manière à me mettre à même de me tirer avec honneur, par exemple, des questions sur l’emploi des bois de charpente, sur les finances, etc. J’aimerais assez qu’il me fournît quelques bons petits arguments sur les effets désastreux du payement en numéraire, et sur les cours métalliques qu’on éclairerait çà et là par quelques excursions sur l’exportation des métaux et aussi des billets de banque, sur toutes ces choses enfin dont il suffit de parler avec une certaine facilité parce que personne ne les comprend. Saisissez-vous bien ?

— Je crois comprendre, dit Nicolas.

— En ce qui concerne les questions qui ne sont pas politiques, continua M. Gregsbury avec chaleur, et dont on ne peut pas demander à un homme de s’occuper d’une manière assez sérieuse, pour vouloir donner aux classes inférieures autant de bien-être qu’à nous-mêmes, car autrement que deviendraient nos privilèges ? je voudrais que mon secrétaire me fît une petite collection de discours de parade, d’un caractère patriotique. Par exemple, si l’on avait la malheureuse idée de proposer un bill pour assurer le droit de propriété d’un tas de pauvres diables comme les auteurs, j’aimerais assez à défendre cette thèse : que pour ma part, je ne consentirai jamais à élever une barrière insurmontable à la diffusion de la littérature dans le peuple. Vous comprenez ? que les créations matérielles n’étant que des spéculations d’un intérêt purement industriel, peuvent être considérées comme la propriété d’un homme ou d’une famille, mais que les créations intellectuelles, étant d’inspiration divine, appartiennent véritablement au peuple en général ; et même, si je me sentais ce jour-là d’humeur badine, je ne craindrais pas d’entremêler tout cela de quelques plaisanteries sur la postérité : de dire que des hommes qui ont écrit pour la postérité doivent être satisfaits d’obtenir comme récompense l’approbation de la postérité ; cela ne prendrait peut-être pas mal à la Chambre, et, dans tous les cas, ne me ferait aucun tort car il n’y a pas à craindre que la postérité s’inquiète ni de moi ni de mes plaisanteries. Vous voyez ?

— Je vois bien, monsieur, répliqua Nicolas.