Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/226

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quelque chose aux modiques ressources de Newman Noggs, que d’apprendre le français aux petites Kenwigs, à raison de vingt-cinq francs par mois. Aussi accepta-t-il, comme nous l’avons dit, avec empressement, l’offre qu’on lui faisait, et se hâta-t-il de se présenter aussitôt au premier étage.

Là, il fut reçu par Mme Kenwigs avec une grâce toute charmante, qui manquait peut-être de naturel, et qui trahissait trop l’intention de se montrer pour lui une protectrice pleine de bienveillance. Il y trouva aussi M. Lillyvick et miss Petowker ; les quatre demoiselles Kenwigs étaient sur leur banquette de réception, et le nouveau-né dans un chariot ambulant qu’il poussait devant lui, s’amusant à jouer avec un petit dada sans tête, lequel dada se composait d’un cylindre en bois assez semblable à un navet, porté sur quatre chevilles crochues, et peint de la couleur indécise d’un pain à cacheter rouge trempé dans l’encre de la petite vertu.

« Comment vous portez-vous, monsieur Johnson ? dit M. Kenwigs. Mon oncle, monsieur Johnson.

— Comment vous portez-vous, monsieur ? dit M. Lillyvick d’un ton brusque ; car, maintenant qu’il savait la nouvelle qualité de Nicolas, il se repentait sans doute de s’être compromis en faisant la veille au soir à Nicolas plus de politesse qu’un percepteur de taxes n’en doit à un professeur.

— Voici M. Johnson engagé chez nous, mon oncle, comme maître particulier des enfants, dit Mme Kenwigs.

— Oui, vous venez de me le dire, répliqua M. Lillyvick.

— Mais j’espère, dit Mme Kenwigs en se redressant, qu’elles n’en seront pas pour cela plus fières ; qu’elles n’y verront qu’une raison de plus de bénir leur heureuse étoile qui les a fait naître dans une classe supérieure aux enfants du commun ; entendez-vous, Morleena ?

— Oui, maman.

— Et quand vous sortirez, dans la rue ou ailleurs, vous ferez bien de ne pas vous en aller vanter aux autres enfants ; ou, si vous en parlez, vous pourrez dire seulement : Nous avons pris un maître particulier pour nous instruire à la maison, mais nous n’en sommes pas plus fières pour cela, parce que maman dit que c’est un péché. Entendez-vous, Morleena ?

— Oui, maman.

— Alors n’oubliez pas mes recommandations et faites ce que je vous dis. Mon oncle, voulez-vous que M. Johnson commence ?

— Si M. Johnson est prêt à commencer, ma chère, moi, je suis