Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/23

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les vendeurs de petits pains une ivrognerie, une débauche, un désordre de mœurs qui s’expliquaient aisément par la nature humiliante de leur négoce, tel qu’il était maintenant exercé. Il avait trouvé les mêmes vices dans les classes pauvres qu’on devrait compter parmi les consommateurs de petits pains, et il attribuait ce résultat au désespoir où l’impossibilité d’atteindre à cet article de subsistance jetait ces malheureux, désespoir funeste qui leur faisait chercher un stimulant factice dans les liqueurs enivrantes. Il se faisait fort d’articuler, devant un comité de la chambre des communes, la preuve qu’il existait une conspiration pour maintenir à un taux élevé le prix des petits pains, et créer un monopole aux distributeurs à sonnettes ; qu’il ferait parler, si l’on voulait, des distributeurs à sonnettes à la barre de la chambre, et qu’il prouverait en outre que ces gens-là correspondaient entre eux par des mots et des signes cabalistiques, comme : « snooks, walker, Ferguson, Murphy va-t-il bien ? » et bien d’autres. Voilà l’état de choses douloureux auquel la compagnie se proposait de porter remède : 1o en interdisant, sous des peines sévères, tout commerce particulier de petits pains, quel qu’il fût ; 2o en fournissant elle-même au public en général, et aux pauvres à domicile, des petits pains de première qualité à prix réduit. C’était là l’objet d’un bill présenté au parlement par l’excellent patriote sir Mathieu Pupker, leur président. C’est ce bill que la réunion avait pour but de soutenir. C’étaient ceux qui soutiendraient ce bill qui jetteraient un éclat et une splendeur impérissables sur l’Angleterre, sous le nom de Compagnie de l’Union métropolitaine pour le perfectionnement des petits pains chauds et tartelettes, distribués avec exactitude. Il devait ajouter que la société se constituait au capital de soixante-quinze millions, divisés en cinq cent mille actions de deux cent cinquante francs.

M. Ralph Nickleby appuya la motion, et un autre gentleman ayant proposé un amendement consistant dans l’insertion des mots et tartelettes après les mots petits pains, toutes les fois qu’ils se rencontreraient dans la motion, fut enlevé victorieusement. Il n’y eut en tout qu’un homme dans la foule qui cria « Non ! » On en fit prompte justice en l’arrêtant et le mettant sur-le-champ à la porte.

La seconde motion, qui avait pour but de proclamer la nécessité d’abolir immédiatement « tout vendeur de petits pains (ou tartelettes), tout commerçant en petits pains (ou tartelettes), quels qu’ils fussent, mâles ou femelles, hommes ou enfants, à sonnettes ou sans sonnettes, » fut proposée par un gentleman à