Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/242

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c’était qu’il ressemblât à celui d’une sœur, et non pas à celui d’une grand’tante ou d’une grand’mère, ce qui eût été beaucoup plus naturel, vu la différence de leurs âges respectifs ; mais comme Mlle Knag avait toujours une mise jeune, elle avait peut-être aussi des sentiments jeunes comme sa mise.

« Bon Dieu ! dit Mlle Knag à Catherine en l’embrassant, au moment du départ, le second jour de son apprentissage, combien vous avez fait de gaucheries toute la journée, ma chère !

— J’ai bien peur que vos avertissements obligeants et sincères n’aient d’autre effet que de me faire reconnaître plus péniblement mes défauts, sans réussir à les corriger, répondit Catherine avec un sourire.

— Non, non, je suis sûre que non, répliqua Mlle Knag, de meilleure humeur que jamais ; mais il est bon que vous les connaissiez tout de suite, pour continuer votre petit train avec plus de tranquillité et de courage. Par où allez-vous, mon amour ?

— Je vais à la Cité.

— La Cité ! s’écria Mlle Knag se regardant d’un œil très favorable dans la glace, en nouant les rubans de son chapeau. Dieu du ciel ! est-ce que vraiment vous demeurez dans la Cité ?

— Eh ! quoi, demanda Catherine, serait-ce la première fois que vous auriez entendu dire qu’il y demeure quelqu’un ?

— Je n’aurais jamais cru, en effet, qu’une jeune femme pût y demeurer trois jours de suite, au plus, répondit Mlle Knag.

— Mais, les personnes gênées, ou plutôt pauvres, dit Catherine en se reprenant à la hâte, car elle avait peur de ne pas employer des termes assez humbles pour sa position, il faut bien qu’elles demeurent où elles peuvent.

— Ah ! certainement, il le faut bien ; c’est trop juste, reprit Mlle Knag avec un demi-sourire que généralement dans la société on regarde comme un tribut suffisant de pitié payé au malheur, surtout si on sait l’accompagner de deux ou trois charitables petits signes de tête ; c’est ce que je répète souvent à mon frère, quand nos domestiques s’en vont à l’hôpital, l’un après l’autre, et qu’il attribue leurs maladies à l’humidité de la cuisine où ils couchent. Ces gens-là, lui dis-je, sont trop heureux de coucher quelque part. Dieu proportionne nos épaules aux fardeaux qu’elles ont à porter ; c’est une idée bien consolante de penser à cela, n’est-ce pas ?

— Très consolante, répondit Catherine.

— Je vais faire une partie de la route avec vous, ma chère, dit miss Knag, car vous passez tout près de chez nous ; et comme notre dernière domestique est allée à l’hôpital, il y a un