Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— J’espère que Catherine aura déjà fait quelques progrès, quoiqu’il y ait bien peu de temps, ajouta Mme Nickleby toute fière de sa fille.

— Oh ! naturellement ! dit miss Knag.

— Elle en fera bien d’autres, continua la bonne mère.

— Pour cela, je vous le garantis, répliqua miss Knag serrant le bras de Catherine pour lui faire goûter le charme de cette amère plaisanterie.

— Elle a toujours eu des dispositions, dit la pauvre dame Nickleby s’animant de plus en plus, toujours, dès le berceau. Je me rappelle qu’à l’âge de deux ans et demi tout au plus, un monsieur qui venait souvent nous voir à la maison, M. Watkins, vous savez, Catherine, pour qui votre pauvre papa avait donné caution, et qui, plus tard, après sa banqueroute, se sauva aux États-unis, d’où il nous envoya des raquettes pour marcher dans la neige, avec une lettre si tendre que votre pauvre cher père en a pleuré au moins huit jours. Vous rappelez-vous la lettre ? Il y disait qu’il était bien contrarié de ne pouvoir rembourser les douze cent cinquante francs qui nous étaient dus ; mais qu’il avait placé tous ses capitaux à intérêt, et que le soin de refaire sa fortune occupait tout son temps ; mais qu’il n’avait pas oublié que vous étiez sa filleule et qu’il nous demandait en grâce de vous acheter un hochet de corail monté en argent, que nous ajouterions à son vieux compte. Comment ! ma chère, êtes-vous sotte de ne pas vous le rappeler ! Et qu’il parlait avec un souvenir si reconnaissant du vieux porto, dont il avait l’habitude de boire une bouteille et demie chaque fois qu’il venait nous voir. Vous ne pouvez pas l’avoir oublié, Catherine ?

— Non, maman, non ; mais que disiez-vous de lui ?

— Eh bien, ce M. Watkins, ma chère, dit Mme Nickleby d’une voix traînante, comme si elle faisait un effort de mémoire prodigieux pour se rappeler quelque fait de la plus haute importance, ce M. Watkins, n’allez pas croire, mademoiselle Knag, que ce fût un parent du Watkins qui tenait le cabaret du Vieil-Ours dans notre village ; à propos, je ne me rappelle pas bien si c’était à l’enseigne du Vieil-Ours ou de Georges IV, mais c’était l’un des deux, et, d’ailleurs, cela revient au même ; ce M. Watkins donc disait, quand vous n’aviez pas plus de deux ans et demi, que vous étiez l’enfant la plus étonnante qu’il eût jamais vue. Oui, mademoiselle Knag, il le disait, et cependant il n’aimait pas du tout les enfants, et n’avait pas le plus léger motif de la flatter ; et ce qui me remémore avec tant de précision ses paroles, c’est que je me rappelle, comme si j’y étais, que