Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/266

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— Bravo !

— Ne ferez-vous pas quelque chose pour moi, mademoiselle Nickleby, demanda lord Frédéric après un court intervalle.

— Vous pouvez, mon cher Lovelace, vous épargner ces questions. Mlle Nickleby et moi nous sommes d’intelligence ; elle se déclare pour moi, et fait en cela preuve de goût. Vous n’avez pas la moindre chance en votre faveur. Combien, Snobb ?

— Il n’y a plus que deux minutes.

— Apprêtez l’argent, dit sir Mulberry, vous allez me le passer.

— Ha ! ha ! ha ! » cria en riant M. Pyke.

M. Pluck, qui enchérissait toujours sur lui, cria des ha ! ha ! bien plus forts.

La pauvre fille, qui était si couverte de confusion qu’elle ne savait véritablement où elle en était, avait d’abord résolu de garder une parfaite indifférence. Mais craignant de paraître encourager par là les prétentions insolentes de sir Mulberry, exprimées dans des termes si grossiers et d’un ton si malhonnête, elle leva les yeux et le regarda en face. Et dans le regard qu’elle rencontra à son tour, il y avait quelque chose de si odieux, de si insolent, de si repoussant, qu’elle se sentit incapable de balbutier une parole, leva le siège et sortit précipitamment de la salle. Elle eut bien de la peine à retenir ses larmes jusqu’au haut de l’escalier, où elle leur donna un libre cours.

« Excellent ! dit sir Mulberry Hawk, empochant les enjeux ; c’est une fille de caractère, et nous allons boire à sa santé. »

Il va sans dire que Pyke et compagnie acceptèrent avec chaleur cette proposition, et que le toast ne passa pas sans quelques insinuations supplémentaires des deux associés sur la future victoire de ce grand conquérant des cœurs. Ralph, qui avait profité de l’attention que prêtaient tous les autres aux principaux acteurs de la scène précédente, pour les dévorer des yeux comme un loup, semblait, depuis que sa nièce était partie, respirer plus à l’aise. Il regardait passer les flacons à la ronde, et lui, renversé sur sa chaise, promenant ses yeux scrutateurs d’un orateur à l’autre, à mesure que le vin les mettait en verve, il semblait fouiller dans leurs cœurs pour repaître sa curiosité maligne de toutes les sottes pensées qui les traversaient.

Cependant Catherine, dont personne ne troublait la solitude, avait repris, par degrés, son assiette ordinaire ; une domestique était venue l’avertir que son oncle désirait la voir avant son départ, et lui avait en même temps fait entendre à sa grande satisfaction que la compagnie prendrait le café en bas. L’espérance