Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/276

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pas une petite affaire ; il n’y a pas que vous à considérer là-dedans.

— Je n’ai pas oublié les autres, reprit Nicolas ; mais, comme il y va de la réputation et de l’honneur, rien ne pourra m’arrêter.

— Vous savez mieux que personne ce que vous avez à faire.

— Dans ce cas, du moins, je l’espère, répondit Nicolas. Et tout ce que je viens vous demander, c’est de les préparer à ma visite. Elles me croient bien loin, et je craindrais, en arrivant brusquement, de les effrayer. Si vous aviez le temps de leur dire que vous m’avez vu et que je vais vous suivre à un quart d’heure de distance, vous me rendriez un vrai service.

— De grand cœur, et de plus importants si je pouvais, dit miss la Creevy ; mais malheureusement le pouvoir de rendre service ne se trouve pas plus souvent uni à la bonne volonté, que la bonne volonté au pouvoir de le faire, si je ne me trompe. »

Tout en continuant de causer vite et beaucoup, miss la Creevy dépêcha son déjeuner à la hâte, serra sa boîte à thé, dont elle cacha la clef par précaution sous le garde-feu, remit son chapeau, et, prenant le bras de Nicolas, se dirigea tout de suite vers la Cité. Nicolas la déposa à la porte de la maison de sa mère, et promit d’être de retour dans un quart d’heure.

Le hasard voulut que Ralph Nickleby, trouvant enfin que l’occasion était bonne pour lui de révéler les atrocités dont Nicolas s’était rendu coupable, au lieu de commencer par aller pour affaires dans un autre quartier, comme l’avait supposé Newman Noggs, s’était dirigé tout droit chez sa belle-sœur ; c’est ce qui fit que, lorsque miss la Creevy, reçue par une petite fille qui nettoyait dans la maison, entra dans le salon, elle trouva Mme Nickleby et Catherine en larmes, pendant que Ralph finissait le lamentable récit des méfaits de son neveu. Catherine fit signe à miss la Creevy de ne pas se retirer, c’est pourquoi elle s’assit en silence.

« Ah ! vous voilà déjà ici, mon beau monsieur, se dit la petite femme en elle-même ; eh bien, en ce cas, Nicolas s’annoncera tout seul ; nous verrons si cela vous fera de l’effet.

— C’est joli, disait Ralph en repliant la lettre de Mlle Squeers ; très joli. Je le recommande, contre ma conscience, car je n’augurais de lui rien de bon, à un homme avec lequel, en se conduisant bien, il pouvait demeurer agréablement des années. Eh bien ! quel en a été le résultat ? Une conduite telle, qu’il peut être, du jour au lendemain, traîné devant la cour d’assises.