Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/288

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— Si fait, répondit Catherine, singulièrement étonnée. Qu’est-ce que vous voulez ? »

L’étranger ne répondit point : mais il commença par regarder derrière lui, comme pour faire un signe à quelque individu du dehors, encore invisible ; puis il entra d’un air décidé, suivi de près par un petit homme en habit brun, terriblement râpé, qui fit entrer avec lui un parfum composé de vieux tabac et d’oignons nouveaux. Ses vêtements étaient pleins de duvet ; ses souliers, ses bas, sa culotte, et son habit jusqu’à la taille, étaient peints en relief d’une foule de dessins confus formés par une crotte qui remontait à quinze jours avant que le temps se fût mis au beau.

L’impression bien naturelle de Catherine fut d’abord que ces individus, avec leur tournure séduisante, n’étaient pas venus pour autre chose que pour s’assurer la possession illégitime de quelques articles portatifs qui avaient eu l’honneur de frapper leur imagination en passant. Elle ne se donna pas la peine de déguiser son inquiétude, et fit un mouvement vers la porte.

« Une petite minute, dit l’homme à l’habit vert, fermant d’abord la porte doucement et se mettant le dos contre. Il ne s’agit pas de plaisanter. Où est votre gouverneur ?

— Mon quoi ? qu’est-ce que vous dites ? demanda Catherine d’une voix tremblante, car elle s’imaginait qu’en terme d’argot, gouverneur voulait dire sans doute une bourse ou une montre.

— M. Mantalini, dit l’homme, où-s-qu’il est ? est-il ici ?

— Il est en haut, je pense, répondit Catherine, un peu rassurée par cette question ; avez-vous besoin de lui ?

— Non, répliqua l’étrange visiteur ; je peux à la rigueur m’en passer, si ça le dérange. Donnez-lui seulement ma carte que voici, et dites-lui que, s’il désire me parler pour s’éviter quelques désagréments, je suis ici ; voilà tout. »

En même temps, il mit dans la main de Catherine une grosse carte carrée, et, se retournant vers son ami, il lui fit remarquer, avec une grande aisance de manières, que l’appartement était d’une belle hauteur d’étage. L’ami partageait son sentiment, et, pour mieux le faire valoir par une image vive, ajouta qu’il y avait là un tas de chambres où on pourrait mettre un petit bonhomme pour grandir à son aise, sans craindre qu’il se cassât jamais la tête contre le plafond.

Après avoir tiré la sonnette pour avertir Mme Mantalini, Catherine jeta un coup d’œil sur la carte, sur laquelle s’étalait le nom de Scaley, avec l’énumération de quelques autres titres qu’elle n’eut pas le temps d’examiner, car son attention fut at-