Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/325

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castor. Elle assistait Mme Crummles dans l’administration de ses affaires domestiques ; elle recevait l’argent à la porte, habillait ces dames, balayait le théâtre, tenait le cahier du souffleur lorsque ce fonctionnaire devait faire nombre sur la scène dans un tableau général ; elle jouait même d’inspiration toute espèce de rôle banal en toute occasion ; elle tenait sa place dans les affiches, tantôt sous un nom, tantôt sous un autre, selon l’effet plus ou moins satisfaisant qu’il pouvait présenter à l’œil : c’est le directeur qui en était juge.

M. Folair, après avoir confié obligeamment ces particularités à Nicolas, le laissa là pour se mêler à ses camarades, et la cérémonie de la présentation fut complète par la déclaration publique de M. Vincent Crummles, qui proclama le nouvel acteur un prodige de savoir et de génie.

« Pardon, monsieur, dit Mlle Snevellicci à Nicolas, en lui jetant un regard timide, n’avez-vous pas déjà joué à Canterbury ?

— Jamais, répondit Nicolas.

— Je me rappelle avoir vu là un gentleman (quelques moments seulement, car je quittais la troupe comme il y entrait) qui vous ressemblait tant que j’aurais juré que c’était vous.

— Je vous vois aujourd’hui, mademoiselle, pour la première fois, reprit Nicolas, et il ajouta galamment : si je vous avais vue auparavant, vous pouvez croire que je ne l’aurais pas oublié.

— Ah ! en vérité ! Savez-vous que c’est très flatteur de votre part, repartit Mlle Snevellicci en s’inclinant avec grâce. À présent que je vous considère, je vois bien que le gentleman de Canterbury n’avait pas vos yeux… Vous allez dire que je suis bien ridicule de faire de pareilles remarques, n’est-ce pas ?

— Bien au contraire, dit Nicolas ; je ne puis que me trouver flatté que vous me fassiez l’honneur de me remarquer de manière ou d’autre.

— Oh ! les vilains hommes, comme ils ont de l’amour-propre ! » cria Mlle Snevellicci. En même temps elle tomba dans une confusion ravissante, et tirant son mouchoir d’un sac de soie lilas fanée, avec un fermoir doré par le procédé Ruolz, elle s’adressa à miss Ledrook.

« Ma chère petite, dit Mlle Snevellicci.

— Eh bien ! qu’est-ce qu’il y a ?

— Ce n’est pas le même.

— Le même quoi ?