Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/339

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tout pêle-mêle avec un tas d’affiches de théâtre, et une paire malpropre de souliers de satin blanc à grandes rosettes bleu de ciel ; sur le dos d’une chaise pendait un tablier de mousseline commencé, avec des pochettes ornées de rubans rouges, de ces tabliers que portent les soubrettes sur la scène, et que, par conséquent, on ne voit jamais que là. Debout, dans un coin, se tenait un abrégé de bottes à revers à l’usage de Mlle Snevellicci dans ses rôles de petit jockey ; enfin, on voyait près de là, sur une chaise, plié en un petit paquet, quelque chose que l’on pouvait soupçonner, sans médire, d’être la culotte courte qui tenait compagnie aux bas de soie.

Mais, ce qu’il y avait peut-être de plus intéressant, c’était l’album, tout grand ouvert, au milieu de quelques libretti in-12 épars sur la table. Dans cet album étaient collées une grande variété de réclames théâtrales en faveur de Mlle Snevellicci, extraites de différents journaux de province. On y lisait entre autres un dithyrambe en son honneur dont voici le premier sixain :

Chante, dieu de l’amour, et dis-nous dans tes chants
Quelle fée a voulu, pour enchanter la terre,
Douer Snevellicci de trois dons si touchants,
Qui la rendent ici l’idole du parterre :
Le sourire où se peint un esprit si gracieux,
Les pleurs d’une âme tendre, et le feu de ses yeux.

Venaient à la suite une foule innombrable d’allusions également flatteuses, toutes empruntées aux gazettes ; par exemple :

« Nous remarquons à l’autre page de notre numéro l’annonce d’une représentation au bénéfice de Mlle Snevellicci pour mercredi. Nous y lisons qu’à cette occasion cette charmante actrice, du plus beau talent, veut faire jouir le public d’un spectacle capable de faire bondir de plaisir le cœur d’un misanthrope. Persuadés que nos concitoyens tiennent à se montrer fidèles à ces principes de bon goût qui leur ont valu depuis longtemps une réputation méritée de connaisseurs distingués, nous prédisons d’avance à cette charmante actrice un accueil étourdissant. »

Dans une autre :

« À nos correspondants.

« J. S. est dans l’erreur quand il suppose que la belle et admirable Snevellicci, qui captive tous les soirs les cœurs de ses auditeurs sur notre joli petit théâtre, n’est pas la même demoiselle qui a reçu dernièrement des propositions honorables du jeune gentleman, possesseur d’une immense fortune, qui réside à trente-quatre lieues de la bonne ville de York. Nous avons