Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/344

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miss Snevellicci, cinq francs par personne dans les loges ; c’est excessivement cher pour l’état actuel du théâtre. Trois places à deux francs cinquante dans les galeries font sept francs cinquante : voilà sept francs ; nous n’aurons pas de discussion, je suppose pour cinquante centimes ; ce n’est pas cinquante centimes qui nous empêcherons d’être d’accord. »

La pauvre Mlle Snevellicci prit les sept francs en faisant beaucoup de frais de remerciements et de sourires, et Mme Curdle, après avoir, en sus, donné quelques instructions particulières pour qu’on leur gardât bien leurs places, pour qu’on époussetât bien la banquette, pour qu’on leur envoyât deux coupons de bonne heure et qu’on eût soin qu’ils fussent propres, donna le signal de la clôture en tirant la sonnette.

« Voilà de drôles de gens ! dit Nicolas quand ils furent dehors.

— Je vous assure, dit Mlle Snevellicci en lui prenant le bras, que je me trouve encore très heureuse qu’ils m’aient payé comptant. Je ne regrette pas mes cinquante centimes. Pour ce qui est du succès, cela ne les regarde pas. Avez-vous réussi, ils se vantent de vous avoir toujours protégé. Faites-vous fiasco, ils l’auraient parié d’avance. »

À la première maison qu’ils visitèrent ensuite, ce fut pour eux un vrai triomphe : c’était là que demeuraient les six enfants en question. Ils étaient tellement émerveillés du talent déployé en public par le phénomène, que, lorsqu’on les fit venir de leur appartement particulier pour qu’ils pussent voir de près la demoiselle, ils n’eurent rien de plus pressé que de lui fourrer le doigt dans l’œil avec une foule d’autres attentions délicates propres à cet âge intéressant.

« Je ne manquerai pas certainement, dit la maîtresse de la maison après une réception des plus gracieuses, d’engager M. Borum à prendre une loge. Je n’emmènerai avec moi que deux enfants ; le reste de la société se composera de gentlemen vos admirateurs, miss Snevellicci. Auguste, petit méchant, voulez-vous bien laisser la petite demoiselle tranquille ? »

Auguste était un petit monsieur qui s’amusait à pincer le phénomène par derrière, sans doute pour s’assurer s’il était vrai qu’elle fût en vie.

« Vous devez être bien fatiguée, dit la maman en se retournant vers Mlle Snevellicci ; je ne vous laisserai pas partir sans prendre un verre de vin. Mademoiselle Lane, ma chère, faites attention aux enfants, je vous prie. »

Mlle Lane était la gouvernante, et ce qui avait rendu l’observation de la mère nécessaire, c’était la conduite désordonnée de