Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/390

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« N’est-ce pas la vérité ? demanda Verisopht. N’est-ce pas comme cela que ça s’est passé ?

— N’est-ce pas comme cela que ça s’est passé ? répéta sir Mulberry, mais comment vouliez-vous donc que cela se passât ? Vous voulez réussir à vous faire inviter du premier coup chez les gens pour pouvoir y aller quand vous voudrez, vous en retourner quand vous voudrez, y rester tant que vous voudrez, y faire ce que vous voudrez, et vous ne voulez pas, vous, un lord, faire un peu l’aimable auprès de la maîtresse de la maison, qui est folle des grands seigneurs. Et qu’est-ce que cela me fait, à moi, cette petit fille, si ça n’était pas par amitié pour vous ? N’était-ce pas bien amusant pour moi d’être toute la soirée à lui chanter vos louanges et à essuyer ses rebuffades et sa mauvaise humeur, tout cela pour vous. Croyez-vous donc qu’on soit de bois ? Allez, si c’était un autre que vous… Mais voilà comme vous vous montrez reconnaissant !

— Allons, vous êtes un bon diable, dit le pauvre jeune homme en lui prenant le bras ; ma parole d’honneur, vous êtes un bon diable.

— C’est bon ; mais, voyons, avais-je raison ? demanda sir Mulberry.

— Tout à fait raison.

— Et n’ai-je pas agi comme un pauvre chien, un chien de nigaud qui veut faire plaisir à son maître ?

— Ou-i, ou-i, vous avez agi en ami, répliqua le lord.

— À la bonne heure, reprit sir Mulberry, me voilà satisfait ; à présent, il ne nous reste plus qu’à aller prendre notre revanche contre le baron allemand et le Français qui nous ont si bien nettoyés hier au soir. »

Là-dessus, l’ami fidèle prit le bras de son compagnon et l’emmena avec lui, tout en se retournant vers MM. Pyke et Pluck avec un coup d’œil d’intelligence et un sourire de mépris à l’adresse de sa dupe imbécile, pendant que ces messieurs se fourraient leurs mouchoirs dans la bouche, pour s’empêcher de trahir leur gaieté par des éclats de rire, et suivaient à quelques pas de distance leur patron et sa victime.