Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/427

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de la rampe, elle ne dansait plus qu’au second plan, et ce soir-là même, fidèle à ses habitudes prévoyantes, elle se tenait un peu éloignée des chandelles.

Nicolas fut présenté en grande cérémonie au couple illustre ; et, après la présentation, le papa de miss Snevellicci, tout parfumé d’une forte odeur de grog au rhum, déclara qu’il était charmé de faire la connaissance d’un gentleman d’un si beau talent, et même, après s’être donné le temps de l’observer davantage, il ne fit pas difficulté d’avouer qu’il n’avait pas rencontré une si belle prestance depuis le début de son ami, M. Glavornelly, au théâtre de Cobourg.

« Vous l’avez vu sans doute, monsieur ? dit le papa Snevellicci.

— Mon Dieu, non, répondit Nicolas.

— Quoi ! vous n’avez jamais vu mon ami Glavornelly, monsieur ? dit le papa Snevellicci. Alors vous n’avez jamais rien vu. S’il vivait encore !

— Oh ! dit Nicolas, il est donc mort ?

— Il est mort, dit M. Snevellicci, et enterré, mais non pas dans l’abbaye de Westminster, et c’est une honte. C’était un… enfin n’en parlons plus. Il est parti pour ce pèlerinage d’où voyageur n’est jamais revenu. Là du moins il est apprécié ce qu’il vaut. »

Papa Snevellicci ne put pas prononcer ces mots sans se frotter le nez avec un mouchoir jaune-serin, pour faire entendre à la compagnie que ces souvenirs lui étaient toujours bien sensibles.

« Eh ! bonjour, monsieur Lillyvick, dit Nicolas, comment vous portez-vous ?

— Très bien, monsieur, répondit le percepteur ; il n’est rien tel que le mariage, voyez-vous.

— Vraiment ? dit Nicolas en riant.

— Non, monsieur, il n’y a rien de tel, répliqua M. Lillyvick d’un air solennel. Comment la trouvez-vous, lui dit-il ensuite tout en le tirant à part, comment la trouvez-vous ce soir ?

— Plus belle que jamais, répondit Nicolas jetant un coup d’œil sur Mme Lillyvick, ci-devant miss Petowker.

— Tenez ! monsieur, voyez-vous, il y a en elle quelque chose, je ne sais quel prestige, que je n’ai jamais vu ailleurs. Regardez, la voilà qui se dérange pour mettre la cafetière sur la table : hein ? n’y a-t-il pas là quelque chose qui vous fascine ?

— Allez ! vous êtes né coiffé, dit Nicolas.

— Ha ! ha ! ha ! reprit le percepteur, je ne dis pas ça ; dame ! cependant, c’est possible, je ne dis pas non.

— Ce qu’il y a de sûr, c’est que je n’aurais pas pu mieux ren-