Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/449

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pouvait pas dire où elle restait, mais ce qu’elle pouvait assurer positivement, c’est que ce n’était pas chez Mme Mantalini.

Nicolas, dont le cœur battait avec violence, dans la crainte de quelque catastrophe inconnue, revint trouver Smike. Newman n’avait pas reparu ; il ne fallait pas compter le revoir avant minuit. Ne pourrait-on pas au moins l’envoyer chercher seulement pour quelques minutes ou lui faire passer deux mots auxquels il pourrait répondre de vive voix ? C’était tout à fait impraticable. Il n’était pas à Golden-square, et sans doute il était allé faire quelque commission lointaine.

Nicolas essaya de rester là tranquillement, mais il n’y put pas durer : il était trop ému, trop agacé. Il lui semblait qu’il perdait son temps à rester en place. C’était une idée absurde, il le savait bien, mais il n’en était pas maître. Il prit donc son chapeau pour aller encore errer à l’aventure.

Cette fois, il alla promener ses rêveries vers l’ouest de la ville, précipitant ses pas dans les longues rues qui traversent ce quartier, en proie à mille craintes, mille pressentiments qui le poursuivaient toujours. Il prit par Hyde-Park, silencieux et désert à cette heure, et redoubla de vitesse, comme pour devancer la cause de ses propres pensées. Mais non, elles n’en revenaient que plus obstinées, plus pressées, plus nombreuses, maintenant qu’il n’y avait plus même le spectacle mobile de Londres pour distraire son attention. Il n’avait plus qu’une idée, qui s’était emparée de son esprit, c’est qu’il était arrivé quelque catastrophe si affreuse, que tout le monde le fuyait pour n’avoir pas à la lui révéler. Mais il n’en restait pas moins l’éternelle question : Qu’est-ce que ce peut-être ? Nicolas n’y pouvait répondre ; il avait beau se harasser de fatigue, il n’en était pas plus avancé. Au contraire, il sortit du parc bien plus troublé, bien plus agité qu’il n’y était entré.

Il n’avait presque rien pris depuis six heures du matin, et se sentait exténué de faim, de soif et de fatigue. Il s’en retournait donc languissamment vers la demeure de Newman, le long d’une de ces rues populeuses qui séparent Park-Lane de Boad-street, quand il passa devant un hôtel garni de belle apparence, et s’arrêta machinalement à le considérer.

« Tout doit être ici bien cher, se dit Nicolas, mais on peut se régaler partout d’un biscuit et d’un verre de vin sans grands frais… et encore, on ne sait pas ! »

Il marcha donc quelques pas, mais quand il vit de loin se dérouler la longue file de lanternes qui lui marquait son chemin, et qu’il réfléchit au temps qu’il lui fallait encore avant d’être au bout,