Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voici qu’on regarde de mon côté, je devrais avoir déjà pris ma place. Que Dieu vous garde, ma bien-aimée sœur, et au revoir ! Ma mère, pensez désormais au bonheur de notre prochaine réunion. Adieu ! mon oncle, je vous remercie de tout mon cœur de ce que vous avez fait et de ce que vous voulez faire encore… (Au conducteur.) Me voilà prêt, monsieur. »

Après ces adieux faits à la hâte, Nicolas monta lestement à sa place et fit de la main un salut si tendre qu’il semblait dire : « Mon cœur reste avec vous. »

Au moment même, le cocher et le conducteur venaient de comparer encore une fois leurs listes avant de partir ; les porteurs tiraient des voyageurs récalcitrants leurs derniers pourboire, les colporteurs de journaux faisaient leurs dernières offres de service, et les chevaux donnaient leur dernière ruade d’impatience, quand Nicolas se sentit tirer doucement par la jambe. Il regarda en bas ; c’était Newman Noggs qui lui glissa dans la main une lettre crottée.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda Nicolas.

— Chut ! répliqua Noggs montrant M. Ralph Nickleby, qui avait pris à part M. Squeers à deux pas de là pour lui dire quelques mots. Prenez cela, lisez-le. Personne n’en sait rien, voilà tout : et il partit.

— Un moment, lui cria Nicolas.

— Non.

— Attendez donc un moment, répéta Nicolas ; » mais Newman Noggs n’était déjà plus là.

Encore un peu d’agitation pendant une minute, la porte de la diligence qui se ferme avec fracas, la voiture qui penche d’un côté sous le poids du cocher un peu lourd, et du conducteur plus lourd encore qui grimpent tous deux sur leurs sièges ; un cri de : Partons ! un petit air de trompe, un regard rapide de deux figures attristées par derrière, l’expression dure des traits de M. Ralph Nickleby, et la diligence avait disparu à son tour, faisant retentir le pavé de Smithfield.

Les petits garçons ayant les jambes trop courtes pour les poser de pied ferme, quand ils furent assis, et par conséquent leurs petits corps étant à chaque instant menacé d’être lancés par-dessus la voiture, Nicolas avait fort à faire de les tenir en respect, tant qu’on fut sur le pavé ; les mains en mouvement et l’esprit tendu pour accomplir cette tâche difficile, il ne fut pas fâché de voir la diligence s’arrêter à l’hôtel du Paon à Islington. Il fut encore bien plus satisfait de voir un monsieur, à la mine franche et ouverte, avec une figure de bonne humeur, et le teint