Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/64

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CHAPITRE VI.

Où l’accident en question donne occasion à deux messieurs de conter des histoires d’un genre bien différent.

« Hu ! ho ! cria le conducteur, qui fut sur pied en une minute, et qui courut à la tête des chevaux de devant. Y a-t-il ici quelqu’un de ces messieurs pour me donner un coup de main ? Veux-tu te tenir tranquille, sacrée rosse ! Hu ! Ho !

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Nicolas en se frottant les yeux.

— Bah ! ce qu’il y a. Il y en a assez pour cette nuit, répliqua le conducteur. Le diable emporte la rousse avec son œil vairon ! chienne de jument, je crois qu’elle a perdu la tête ; nous voilà bien avec la diligence par terre. Ici, s’il vous plaît, un coup de main. Sapristi, je crois que j’ai tous les os cassés.

— Voilà ! cria Nicolas se relevant sur ses pieds. Me voilà. Je ne suis qu’un peu étourdi, ce n’est rien.

— Tenez-les bien ! cria le conducteur, pendant que je coupe les traits. Maudites bêtes. Bien travaillé, mon garçon ; lâchez-les à présent. N’ayez pas peur, ils sauront bien retrouver l’écurie. »

Et, en effet, ils ne furent pas plutôt dégagés qu’ils retournèrent bien vite, d’un pas délibéré, à l’écurie qu’ils venaient de quitter, à moins d’un mille de là.

« Savez-vous sonner de la trompe ? demanda le conducteur, occupé à détacher une des lanternes.

— Mais, je crois que oui, dit Nicolas.

— En ce cas, prenez-la donc, elle est là par terre, et faites-moi le plaisir de sonner un air à réveiller un mort, pendant que je vais calmer ces gens-là qui beuglent à l’intérieur. Allons ! allons ! pas tant de bruit, ma petite dame. »

En même temps, il se mit à ouvrir la portière qui faisait face au firmament, pendant que Nicolas, saisissant la trompe, éveillait les échos à la ronde, en exécutant sur cet instrument un des exercices les plus extraordinaires qui jamais aient frappé des oreilles mortelles. L’effet n’en fut pas moins prodigieux, non-seulement sur les voyageurs qu’il réveilla encore tout abasourdis de leur chute, mais encore sur les habitants d’alentour