Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 1.djvu/99

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— Certainement, répliqua Squeers. Vous ne pourrez pas vous laver ce matin.

— Ne pas me laver ! s’écria Nicolas.

— Non, il n’y a pas à y penser, continua Squeers avec aigreur. Ainsi vous ferez bien de vous frotter à sec, en attendant qu’on puisse casser la glace dans le puits et en tirer un plein baquet d’eau pour la toilette des élèves. Allons ! ne restez pas là à me regarder comme une histoire ; dépêchez-vous, n’est-ce pas ? »

Sans autre explication Nicolas s’habilla à la hâte : pendant ce temps-là, Squeers ouvre les volets et souffle la chandelle ; on entend alors dans le corridor la voix de son aimable moitié qui demandait à entrer.

« Entrez, m’amour, » dit Squeers.

Mme Squeers entra, toujours avec la même camisole de nuit qui, la veille au soir, faisait valoir sa taille élégante, mais avec un ornement de plus ; c’était un chapeau de feutre qui n’en était pas non plus à son premier printemps, et qu’elle portait sans gêne et sans cérémonie par-dessus le bonnet de nuit dont nous l’avons vue coiffée.

« Chienne de cuiller, dit la dame en ouvrant le buffet, je ne peux pourtant pas retrouver la cuiller de l’étude.

— Ne vous inquiétez pas de cela, chère amie, observa Squeers d’un ton doucereux, cela n’a pas d’importance.

— Pas d’importance ! répéta vivement Mme Squeers ; par d’importance ! c’est bientôt dit. Est-ce que ce n’est pas aujourd’hui jour de soufre ?

— C’est vrai, ma chère, reprit Squeers, vraiment je n’y pensais pas, c’est vous qui avez raison… Voyez-vous, monsieur Nickleby, nous purifions de temps en temps la masse du sang chez les élèves.

— Nous ne purifions rien du tout, dit madame. N’allez pas croire, jeune homme, que nous sommes gens à dépenser de la fleur de soufre à la mélasse, tout bonnement pour leur purifier ce qu’il dit là ; car, si vous vous imaginez que c’est comme cela que nous faisons les affaires, vous n’y trouverez pas votre compte ; j’aime mieux vous le dire tout franchement.

— Ma chère amie, dit Squeers fronçant le sourcil ; hein !

— Oh ! je me moque bien de ça, reprit Mme Squeers ; si le jeune homme vient pour enseigner ici, il vaut mieux qu’il sache tout de suite que nous ne faisons pas de folie pour les enfants. On leur donne du soufre et de la thériaque, en partie parce que, si on ne les médicamentait pas un peu, ils auraient