Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/130

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— Je vous en prie, maman, venons-nous-en, lui dit tout bas Catherine.

— Je vous en prie, maman ! Quelle bêtise ! Catherine, dit Mme Nickleby d’un ton courroucé ; mais, voilà toujours comme vous êtes. Si on m’avait prise pour la nièce de quelque méchant moineau, cela vous aurait été égal, et vous vous révoltez à l’idée qu’on fasse de moi une cousine du pape. Mais je sais bien que personne ne s’intéresse à moi, aussi je n’y compte guère ; et Mme Nickleby pleurnichait.

— Des larmes ! cria le vieux gentleman en faisant un saut si énergique qu’il dégringola deux échelons et s’égratigna le menton contre le mur… Allons ! attrapez-moi ces globules de cristal, qu’on les saisisse, qu’on les mette en bouteille, qu’on les bouche bien, qu’on les cachette avec mon Cupidon, qu’on les étiquette première qualité, et qu’on les range sur la quatorzième planche avec une barre de fer par-dessus pour les empêcher de partir.

— Cela ferait un bruit de tonnerre. »

Tout en exécutant ces commandements, comme s’il y avait là une douzaine de domestiques empressés à accomplir ses ordres, il retournait son bonnet de velours et le remettait avec une grande dignité sur le coin de la tête, de manière à se cacher l’œil droit et les trois quarts du nez, puis, le poing sur la hanche, il avait l’air de porter un défi insolent à un moineau qu’il voyait près de lui sur une branche, jusqu’à ce que l’oiseau se dérobât par la fuite à son air menaçant. Alors il mit son bonnet dans sa poche, d’un air de grande satisfaction, et prit les manières les plus respectueuses pour s’adresser à Mme Nickleby.

« Belle madame ! (telles furent ses expressions) si j’ai fait quelque méprise au sujet de votre famille ou de vos relations, je vous demande humblement pardon ; si j’ai supposé que vous étiez alliée à des puissances étrangères, ou à des comités nationaux, c’est parce que vous avez dans toute votre personne des manières, un port, une dignité qui me serviront d’excuse, quand je dirai qu’il n’y a personne qui puisse rivaliser avec vous à cet égard, si ce n’est peut-être, par exception, la muse tragique, quand par hasard elle joue de l’orgue de barbarie devant la compagnie des Indes orientales. Je ne suis plus un jeune homme, madame, comme vous voyez, et, quoique des personnes qui vous ressemblent ne sachent pas ce que c’est que de vieillir, je prends la liberté d’espérer que nous sommes faits l’un pour l’autre.

— Vous voyez ce que je vous avais dit, Catherine, ma chère