Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

réveillerez personne. — Holà, hé ! et puis il s’arrête. — Tu ferais mieux de ne pas m’irriter davantage, disait le maître d’école quelques minutes après ; Smike, je vais te briser les os… Encore une pause. Alors, tout à coup il demande de la lumière, on apporte une chandelle. Vous jugez du tintamarre… Il est parti, qu’il dit rouge de colère et comme un fou furieux. Est-ce que vous n’avez rien entendu ? — Ah oui ! que je fais, je viens d’entendre fermer la porte d’entrée dans l’instant ; et puis tout de suite après j’ai entendu courir par là (je ne lui montrais pas le bon côté). — Au secours ! qu’il crie. — J’y vais, que je dis,… et nous voilà partis en rebours. Ho ! ho ! ho !

— Avez-vous été loin comme cela ? demanda Nicolas.

— Si nous avons été loin ? répliqua John : je lui ai joliment dégourdi les jambes pendant un quart d’heure. Il était bon à voir, allez ! le maître d’école, sans chapeau, pataugeant jusqu’aux genoux dans l’eau et dans la boue, trébuchant sur des barrières, culbutant dans des fossés, beuglant comme une vache enragée, ouvrant son œil, son œil unique, tout grand pour découvrir son échappé, ses pans d’habit voltigeant par derrière, et toute sa personne crottée jusqu’à l’échine, y compris le museau. J’ai cru que j’allais tomber par terre en pâmoison à force de rire. »

Rien que d’y penser, John recommençait de plus belle, et la contagion passant à ses auditeurs, ce fut bientôt un trio d’éclats de rire, en je ne sais combien de couplets, tant qu’enfin ils n’en purent.

« C’est un mauvais homme, dit John en s’essuyant les yeux, un très mauvais homme, votre maître d’école.

— Je ne peux pas le voir en peinture, John, dit sa femme.

— Allons donc ! reprit John, c’est pourtant à vous que je dois sa connaissance : sans vous, je ne saurais seulement pas ce que c’est. C’est vous qui me l’avez fait connaître.

— Je ne pouvais pas, John, réplique sa femme, renier Fanny Squeers, mon ancienne camarade d’enfance, n’est-ce pas ?

— Bien, ma fille, répéta John, c’est justement ce que je dis. Il faut vivre en bons voisins, voilà tout, et le traiter comme une vieille connaissance. Moi je ne demande pas autre chose ; pas de bruit, tant qu’on peut l’éviter. Ne pensez-vous pas comme moi, Nickleby ?

— Certainement, répondit Nicolas, et vous avez été fidèle à vos principes, le jour où je vous ai rencontré à cheval sur la route, après notre soirée orageuse.