Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/153

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à l’instant ; mais on ne doit parler de la beauté qu’avec respect, en termes honnêtes, comme il sied à un privilège si précieux et si excellent, tandis que ce drôle ne sait pas plus… »

La jeune personne interrompit là la conversation en passant la tête par la fenêtre pour demander d’une voix perçante au garçon si c’est que cet homme qui venait de se faire battre, avait l’intention de rester dans le corridor toute la nuit, ou s’il voulait bien débarrasser le passage. Les garçons transmirent les instructions de la demoiselle aux valets d’écurie, qui ne furent pas longs à changer de ton aussi, si bien que l’infortunée victime fut en un clin d’œil jetée à la porte comme un paquet.

« Je suis sûr d’avoir déjà vu ce drôle-là, dit Nicolas.

— Vraiment ? répliqua sa nouvelle connaissance.

— Oh ! je le parierais, dit Nicolas réfléchissant ; où donc puis-je avoir… Tiens, j’y suis, c’est le commis d’un bureau de placement, dans le beau quartier de Londres. Je savais bien que sa figure ne m’était pas inconnue. »

Et c’était bien en effet Tom, le vilain commis en question.

« Quelle drôle de chose ! dit Nicolas réfléchissant à tous les incidents étranges qui de temps en temps, au moment où il s’y attendait le moins, lui ramenaient ce bureau de placement sous les yeux, sans rime ni raison.

— Je vous suis très obligé de la bonté que vous avez mise à vous faire l’avocat de ma cause lorsqu’elle en avait tant besoin, dit en riant le jeune homme, et il tira sa carte de sa poche pour la lui remettre. Peut-être voudrez-vous bien me faire la faveur de me dire où je puis aller vous offrir mes remerciements ? »

Nicolas prit la carte, et, en y jetant involontairement les yeux, en même temps qu’il répondait au compliment poli du jeune homme, il montra tout à coup la plus grande surprise.

« Monsieur Frank Cheeryble ! dit Nicolas. Vous ne seriez pas, par hasard, le neveu de Cheeryble frères que l’on attend demain ?

— Je ne me donne pas d’habitude, répondit M. Frank en plaisantant, le titre de neveu de Cheeryble frères. Mais je suis en effet le neveu des deux excellents frères connus sous cette raison commerciale, et j’en suis tout fier ; mais vous, monsieur, je vois que vous devez être monsieur Nickleby, dont j’ai tant entendu parler. Ma foi, je ne m’attendais pas à faire ainsi votre connaissance ; mais, pour être singulière, cette rencontre ne m’en est pas moins agréable, je vous assure. »

Nicolas paya ces compliments de la même monnaie, et ils