Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/20

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câlin. Quand elle dit qu’il est temps de partir, c’est qu’il en est temps en effet, et il faut qu’elle parte. Partons ! Tout à l’heure dans les rues, quand il ira bras dessus, bras dessous, avec sa tulipe chérie, toutes les femmes diront avec envie : « En voilà une qui a un diablement bel homme ! » Et tous les hommes diront avec ravissement : « En voilà un qui a une diablement belle femme ! » Et les femmes auront raison, et les hommes n’auront pas tort… ma parole d’honneur, ou le diable m’emporte ! »

M. Mantalini, sur ces réflexions accompagnées de plusieurs autres, toutes aussi raisonnables, envoya du bout de ses gants un baiser en signe d’adieu à Ralph Nickleby, et, prenant sous son bras le bras de son épouse, l’emmena en faisant une foule de petites minauderies.

« Là ! là ! murmura Ralph en se jetant dans son fauteuil, voilà ce démon encore une fois déchaîné, et, à chaque fois, il ne manque pas de venir me contrarier. Il ne semble fait que pour cela. Il m’a dit un jour que nous aurions tôt ou tard un règlement de compte à faire entre nous. Eh bien, je ne veux pas le faire mentir, je veux lui régler son compte.

— Êtes-vous chez vous ? demanda Newman passant brusquement la tête à la porte.

— Non, » répondit Ralph aussi brusquement.

La tête de Newman disparut, puis elle reparut presque tout de suite.

« Vous êtes bien sûr que vous n’y êtes pas, dit Newman.

— Imbécile ! Qu’est-ce que cela veut dire ? cria Ralph d’un ton bourru.

— C’est qu’il est là à attendre depuis l’arrivée des autres et qu’il doit vous avoir entendu parler. Voilà tout, dit Newman en se frottant les mains.

— Qui est-ce ? » demanda Ralph poussé à bout par la nouvelle qu’il avait apprise tout à l’heure et maintenant par le sang-froid dépitant de son clerc.

Newman n’eut pas besoin de répondre ; au moment où on ne s’y attendait guère, entra l’individu en question, qui, braquant tout à coup son œil, son œil unique sur Ralph Nickleby, lui fit avec humilité force révérences, s’assit dans un fauteuil, les mains sur les genoux, gêné dans son pantalon noir, qui n’était pas fait pour s’asseoir, car il était si court, que dans cette position les jambes s’en trouvaient relevées à la hauteur des revers de ses bottes à la Wellington.

« Eh mais ! quelle surprise ! dit Ralph regardant de près son visiteur et terminant cet examen attentif par un demi-sourire,