Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/215

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— Et moi, je vous répète sérieusement ce que je viens de vous dire. Voyons ! tenez-vous bien, que je vous réponde. Quel diable d’air mielleux vous prenez là ! Il y a quelque chose là-dessous.

— Tenez ! je ne voudrais pas vous attraper, vous savez, reprit Arthur Gride d’un air de bonhomie ; d’ailleurs, je n’y réussirais pas, ce serait une folie de ma part de l’essayer. Moi, attraper M. Nickleby ! le pygmée attraper le géant ! Eh bien, je vous répète ma question,… hé ! hé ! hé ! Qu’est-ce que vous diriez si j’allais vous annoncer que je vais me marier ?

— À quelle vieille sorcière ? dit Ralph.

— Non pas, non pas, cria Arthur en se frottant les mains avec un air de ravissement. Encore une erreur ! Je suis bien aise de trouver M. Nickleby en défaut ; et cette fois il y est bien… Non, c’est une jeune et belle fille, fraîche, aimable, charmante, et dix-neuf ans à peine : des yeux noirs, avec de longs cils, des lèvres lisses et vermeilles qui appellent le baiser ; des grappes magnifiques de cheveux abondants qui donnent aux mains la démangeaison d’y passer les doigts ; une taille qui vous donne l’envie, malgré vous, de serrer l’air dans vos dix doigts comme si vous arrondissiez autour d’elle votre bras ; de petits pieds qui trottinent si légèrement qu’ils n’ont pas l’air de toucher le sol. Eh bien ! je vais épouser tout cela, monsieur, tout cela. Hé ! hé !

— Diable ! voilà un radotage qui passe la permission, dit Ralph après avoir écouté, en retroussant le coin de ses lèvres, les adorations du vieux pécheur ; et quel est le nom de la jeune fille ?

— Ah ! quel homme profond ! voyez comme il est profond ! s’écria le vieil Arthur ; il devine que j’ai besoin de son aide ; il devine qu’il peut me donner un coup d’épaule, il devine qu’il en tirera profit. Il voit tout d’un seul coup d’œil ! Son nom ? c’est… Il n’y a personne qui puisse nous entendre ?

— Ouais ! qui diable voulez-vous qu’il y ait ? répondit Ralph brusquement.

— Je ne savais pas si, par hasard, il n’y aurait pas quelqu’un à monter ou à descendre l’escalier, dit Arthur Gride après avoir ouvert la porte, pour regarder dehors, et l’avoir ensuite soigneusement refermée ; ou bien encore votre commis aurait pu revenir et écouter à la porte. Les commis et les domestiques, il n’y a rien de pareil pour écouter aux portes, et j’aurais été désolé que M. Noggs…

— Diable soit de M. Noggs ! dit Ralph avec un ton d’aigreur ; continuez donc toujours ce que vous avez à me dire.