Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/217

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avec des yeux noirs, avec de longs cils, et des lèvres qui appellent le baiser, et des grappes de cheveux dans lesquelles il voudrait passer ses doigts, et des tailles qu’il voudrait serrer dans ses mains, et des petits pieds qui ne touchent rien en marchant ; toutes ces belles choses et le vieil Arthur Gride forment un accouplement monstrueux. Mais ce n’est rien encore auprès du mariage du vieil Arthur Gride avec la fille d’un beau des beaux ruiné aujourd’hui, locataire dans les limites du Banc du roi. Ceci, c’est à n’y pas croire, tant la chose me paraît mythologique. Franchement, mon vieux camarade, si vous avez besoin que je vous donne un coup de main dans cette affaire, comme je n’en doute pas, puisque vous êtes venu me voir, expliquez-vous, et droit au fait ; surtout n’allez pas me rabâcher que c’est dans mon intérêt, parce que je sais bien qu’il faut avant tout que ce soit dans le vôtre ; et grandement encore, sans quoi vous ne me serviriez pas ce plat de votre métier. »

Il y avait non seulement dans les paroles de Ralph, mais aussi dans le ton de sa voix et dans les regards dont il les accompagnait, assez d’aigreur et de raillerie amère pour faire prendre feu au sang glacé du vieil usurier et colorer de honte même ses joues flétries ; mais, loin de montrer quelque colère, il se contenta de répéter son vieux refrain : « Cruel homme ! » et de secouer sa tête de droite et de gauche comme s’il ne pouvait s’empêcher de rire de ses saillies joviales et de son franc parler. Toutefois, comme il lut dans les traits de son interlocuteur qu’il était temps de se dépêcher et d’arriver au but, il prit l’air sérieux qui convient pour traiter les affaires, et il entra résolument dans le développement précis de l’objet de sa négociation.

Il commença par insister sur ce fait que Madeleine Bray s’était sacrifiée au soutien de son père qui n’avait pas d’autre ami sur la terre, et qu’elle était l’esclave soumise de ses moindres désirs. Ralph répondit à cela qu’il en avait déjà entendu quelque chose et que c’était une sotte ; que si elle avait connu un peu plus ce que c’est que le monde, elle n’aurait pas agi comme cela.

Gride, en second lieu, parla du caractère du père qu’il représenta comme un homme qui avait peut-être pour sa fille toute l’affection qu’il pouvait avoir pour quelqu’un, mais qui s’aimait lui-même par-dessus toute chose. Ralph observa que cela allait sans dire, vu que la chose était toute naturelle et qu’il n’y avait pas de mal à cela.

Troisièmement, le vieil Arthur articula que la jeune fille était un morceau délicat et que sa beauté lui avait véritablement