Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/219

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m’offrir pour gendre à Bray, à la simple condition que, le jour même de mon mariage, il reprendra tout tranquillement sa liberté avec une pension à manger de l’autre côté de la Manche comme un gentleman (je sais que cela ne peut pas durer longtemps ; j’ai consulté son docteur qui m’a déclaré qu’il avait une maladie du cœur qui n’ira pas loin), et si on lui faisait valoir avec esprit, si on lui faisait toucher au doigt les avantages de cette proposition, croyez-vous qu’il pût me résister ? Et si, moi, il ne peut pas me résister, croyez-vous que sa fille puisse lui résister non plus ? Croyez-vous qu’avant une semaine, un mois, un jour, enfin au moment même où je la demanderai, je ne fasse pas de Madeleine Mme Arthur Gride, la jolie Mme Arthur Gride ? mon petit bichon, mon petit poulet de Mme Arthur Gride ?

— Continuez, dit Ralph en secouant la tête comme un homme qui ne se payait pas de cela, et d’un ton froidement étudié qui faisait un étrange contraste avec les transports passionnés auxquels son ami s’était laissé entraîner par degrés,… continuez, ce n’est pas pour me parler de ces fantaisies que vous êtes venu me voir.

— Là ! que vous êtes pressant ! cria le vieil Arthur en se rapprochant de Ralph tout contre lui. Eh bien ! non, c’est vrai, je ne dis pas que c’est pour cela. Je suis venu vous demander ce que vous me prendriez, en cas de réussite auprès du père, pour la créance que vous avez sur lui. Vingt-cinq pour cent ? trente pour cent ? non ? allons ! cinquante pour cent. Je veux bien aller jusque-là pour un ami comme vous, nous avons toujours été si bien ensemble que vous devriez bien pourtant être moins exigeant. Eh bien ! est-ce dit ?

— Vous n’avez pas fini, dit Ralph immobile comme une pierre.

— C’est vrai, j’ai encore quelque chose à vous dire, mais quoi ! vous ne m’en donnez pas le temps. Le voici : il me faut quelqu’un pour m’appuyer dans cette affaire, quelqu’un qui soit en état de parler, de presser, d’emporter une difficulté, un homme de votre force enfin. Moi, je n’en suis pas capable, je suis un pauvre diable trop timide et trop sensible pour cela. Je vous propose donc, pour la peine que je vous donne un bon prix d’une créance dont vous n’attendiez plus un sol depuis longtemps, de me rendre auprès de lui un service d’ami dont j’ai besoin.

— Vous n’avez pas tout dit encore, cria Ralph.

— Mais si, je vous assure.

— Non, non. Je vous dis que non.