Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/222

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quoique je n’en sache pas de plus vil que celui-ci. Après tout, la connaissance que j’en ai n’ajoute rien à son malheur ; elle n’est pénible que pour moi. Le mal n’en est pas plus grand parce que je le connais ; seulement, en m’affligeant, il fait une victime de plus. Gride et Nickleby ! qu’ils sont bien accouplés ensemble !… Ah ! les gredins ! gredins ! gredins ! »

Et chaque fois qu’il répétait ce mot, Newman Noggs entraîné par ses réflexions donnait un nouveau renfoncement à son infortuné chapeau. Il faut dire que son cerveau était un peu surexcité par le contenu du pistolet de poche auquel il avait dit deux mots pendant sa séquestration volontaire au fond de l’armoire. Enfin il sortit pour aller chercher les consolations que pouvaient lui donner une tranche de bœuf et des choux verts dans quelque restaurant bon marché.

Cependant les deux coalisés s’étaient rendus dans cette maison que nous connaissons déjà pour avoir été visitée quelques jours auparavant par Nicolas. Ayant été admis auprès de M. Bray dont la fille était sortie pour l’instant, ils avaient fini, après des manœuvres savantes qui faisaient beaucoup d’honneur à l’habileté de Ralph, par rompre la glace et mettre sur le tapis le véritable objet de leur visite au malade.

« Vous voyez devant vous votre solliciteur, monsieur Bray, dit Ralph au patient qui n’était pas encore revenu de sa surprise et, du fond de son fauteuil, promenait alternativement ses yeux de l’un à l’autre. Qu’est-ce que cela fait qu’il ait eu le malheur d’être en partie la cause de votre détention ici ? J’ai fait comme lui ; que voulez-vous, il faut bien que tout le monde vive ; vous avez trop d’expérience du monde pour ne pas voir les choses sous leur véritable jour. Nous venons vous offrir la meilleure réparation qui soit en notre pouvoir, et voyez quelle réparation. Il s’agit d’un mariage qu’on vous propose et que bien des pères, comtes, barons ou baronnets seraient bien aise de happer pour leurs filles ; M. Arthur Gride avec une fortune princière, n’est-ce pas une bonne aubaine ?

— Ma fille, monsieur, répondit Bray avec hauteur, grâce à l’éducation que je lui ai donnée, payera richement l’apport de la plus belle fortune qu’un homme puisse lui offrir en échange de sa main !

— C’est précisément ce que je vous disais, reprit l’artificieux Nickleby en se tournant vers son ami, le vieil Arthur Gride ; précisément ce qui m’a fait considérer la chose comme facile et convenable. Les avantages sont partagés ; personne ne devra rien à l’autre. Vous avez de l’argent, miss Madeleine a du mé-