Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rite et de la beauté. Elle n’est pas riche ; vous, vous n’êtes pas jeune : troc pour troc… Vous êtes quittes… Un vrai mariage du bon Dieu.

— En effet, ajouta Arthur Gride en jetant une œillade hideuse à son futur beau-père. C’est le bon Dieu, dit-on, qui écrit les mariages là-haut. Le nôtre sera donc par conséquent prédestiné !

— Et puis, n’oubliez pas, monsieur Bray, dit Ralph qui se hâta de substituer au raisonnement stupide de Gride des considérations plus terre à terre, mais plus palpables, n’oubliez pas les conséquences nécessaires de l’acceptation ou du refus que vous allez faire des propositions de mon ami.

— Comment voulez-vous que ce soit moi qui accepte ou qui refuse ? répliqua monsieur Bray, bien convaincu, malgré son objection, que c’était lui en effet qui déciderait la chose. C’est à ma fille d’accepter ou de refuser ; vous savez bien que c’est à ma fille.

— C’est vrai, dit Ralph d’un ton pénétré. Cependant vous avez toujours le pouvoir de la conseiller, de lui exposer les raisons pour et contre, de hasarder un désir.

— Hasarder un désir ! monsieur, répondit le débiteur tour à tour humble et fier, sans jamais cesser d’être égoïste avant tout ; je suis son père, il me semble, et j’irais hasarder un désir ! tourner autour du pot ! Croyez-vous, par hasard, comme les amis de sa mère, mes ennemis (au diable soient-ils !), qu’elle ait fait avec moi autre chose que son devoir, monsieur, son devoir bien strict ? ou bien supposez-vous que, parce que j’ai été malheureux, ce soit une raison suffisante pour avoir changé nos positions relatives, et que ce soit à elle de commander, à moi d’obéir ? Hasarder un désir ! Ce serait drôle ! Peut-être vous imaginez-vous, parce que vous me voyez ici à peine capable de me lever de mon fauteuil sans l’aide d’un bras, que je suis battu de l’oiseau, sans courage et sans caractère, sans pouvoir pour décider moi-même des intérêts de mon enfant… Ah ! j’ai toujours le pouvoir de hasarder un désir ! Il ne manquerait plus que cela.

— Pardon, dit Ralph qui connaissait bien son homme et qui avait pris ses mesures en conséquence, vous ne m’avez pas laissé achever ; j’allais vous dire qu’il vous suffirait de hasarder un désir, rien qu’un désir, pour que ce fût pour elle comme un ordre.

— Ah ! à la bonne heure, j’entends cela, repartit M. Bray exaspéré. Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de cela ; mais sachez qu’il fut un temps où je n’étais pas embarrassé de