Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/257

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douceur dès le commencement, comme je le voulais, mais, Nicolas et vous, vous êtes tout le portrait de votre pauvre papa. Enfin ! j’ai ma conscience pour moi, c’est beaucoup. »

Après s’être ainsi lavé les mains de toute responsabilité sur ce point pour les fautes passées, présentes et à venir, Mme Nickleby eut la bonté d’exprimer le vœu que jamais ses enfants n’eussent de plus grands reproches à se faire que leur mère, puis elle se prépara à recevoir le cortège, qui revint bientôt annoncer que le vieux gentleman était coffré et rendu à la surveillance de ses gardiens, qui ne s’étaient pas seulement aperçus de son absence pendant qu’ils se régalaient à table avec quelques amis.

La paix étant ainsi rétablie, il y eut une demi-heure de conversation délicieuse, selon l’expression de Frank, en causant avec Tim Linkinwater, chemin faisant, pour revenir chez eux. Et Timotée, voyant enfin à sa montre qu’il était grand temps de partir, ces dames restèrent seules, malgré les offres pressantes de Frank de leur tenir compagnie jusqu’à l’arrivée de Nicolas, n’importe à quelle heure, si la brusque invasion de leur voisin malencontreux leur laissait la moindre crainte de rester toutes seules ; mais, en voyant leur résolution qui ne laissait plus de prétexte à son insistance pour monter la garde près d’elles, il fut obligé d’abandonner la citadelle et d’opérer sa retraite avec le fidèle Timothée.

Il se passa près de trois heures ensuite dans un silence absolu. Quand Nicolas revint Catherine fut toute honteuse de voir combien elle était restée de temps, sans s’en apercevoir, assise toute seule, plongée dans ses pensées.

« Vraiment ! dit-elle, je ne croyais pas qu’il y eût plus d’une demi-heure.

— Il faut donc, Catherine, reprit gaiement Nicolas, que ces pensées-là aient été bien agréables pour vous faire passer le temps si vite. Je voudrais bien les connaître. »

Catherine resta confuse à remuer, en se jouant, je ne sais quoi sur la table : elle leva les yeux avec un sourire, et les baissa avec une larme.

« Eh bien ! Catherine, dit Nicolas, attirant sa sœur sur son sein et lui baisant le front, voyons donc un peu ce visage ; non ? Ah ! je n’ai pas eu le temps de le voir, vilaine méchante !… Mieux que cela, Catherine. Allons ! laissez-moi le regarder plus longtemps, je veux y lire le secret de vos pensées. »

Cette proposition avait beau être faite sans la moindre connaissance, sans le moindre soupçon de ce qui se passait dans