Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/26

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— Eh bien ! répondit Squeers avec vivacité, comme si cette observation l’avait mis plus à l’aise, il pouvait avoir vingt ans. Pourtant il ne paraissait pas son âge, quand on le connaissait, parce qu’il lui manquait là quelque chose, et Squeers se portait la main au front ; vous savez, vous auriez frappé vingt fois à la porte ; pas de réponse, il n’y avait personne à la maison.

— Et puis, à propos de frapper à la porte, vous frappiez peut-être assez souvent ? marmotta Ralph entre ses dents.

— Mais, pas mal, répondit Squeers avec un rire forcé.

— Quand vous m’avez envoyé un reçu de la petite bagatelle dont vous parliez tout à l’heure, dit Ralph, vous m’avez écrit dans la lettre que c’était un enfant depuis longtemps abandonné par sa famille, et que vous n’aviez pas le moindre indice qui pût vous mettre sur la trace de ce qu’il était. Est-ce la vérité ?

— C’est malheureusement trop vrai, répliqua Squeers qui se mettait de plus en plus à son aise et devenait plus familier à mesure que Ralph devenait lui-même moins réservé dans ses questions. Il y a maintenant quatorze ans, comme on peut le voir sur mon livre d’admission, un particulier d’assez mauvaise mine me l’amena, un soir d’automne, et me le laissa après m’avoir payé d’avance son premier quartier de cent vingt-cinq francs. L’enfant pouvait avoir alors cinq ou six ans, pas davantage.

— Est-ce là tout ce que vous savez sur son compte ?

— Ma foi ! j’ai le regret de le dire, mais c’est à peu près tout ; j’ai toujours reçu la pension pendant sept ou huit ans, et puis après, rien. Il m’avait donné une adresse à Londres, ce garnement, mais, quand j’allai pour me faire rembourser, j’ai trouvé visage de bois, comme de raison. Ainsi j’ai gardé le garçon par… par…

— Par charité, dit Ralph.

— Par charité, comme vous dites, répondit Squeers en se frottant les genoux, et c’est justement au moment où il commence à pouvoir me rendre quelques petits services, que ce mauvais gredin de Nickleby vient me l’enlever. Mais ce qu’il y a de plus vexant et de plus déplorable dans tout cela, continua-t-il en baissant la voix et approchant sa chaise tout près de Ralph, c’est que dernièrement on est venu s’informer de lui, non pas chez moi, mais d’une manière indirecte à des gens de notre village. Ainsi, c’est précisément lorsque j’aurais pu me faire payer tout l’arriéré… qui sait ? quand peut-être même (ce n’est pas la première fois que cela se serait vu dans notre profession) on y aurait ajouté un cadeau pour lui trouver une place dans