Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/266

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— Que pouvez-vous avoir à me dire ? lui répondit son mentor en dégageant son bras ; ne puis-je aussi bien l’entendre là-bas qu’ici ?

— Hawk ! répliqua l’autre, dites-moi, il faut que je sache…

Il faut que je sache ! interrompit Hawk d’un ton dédaigneux. Ouais ! alors continuez ; s’il faut que vous sachiez, je vois bien qu’il n’y a pas moyen que j’y échappe. Ah ! il faut que je sache !

— Eh bien ! il faut que je vous demande, si vous voulez, répliqua lord Frédérick, il faut que j’insiste pour obtenir de vous une réponse claire et nette… Ce que vous venez de me dire là tout à l’heure, était-ce tout simplement une boutade de mauvaise humeur, un mot en l’air, ou bien avez-vous sérieusement l’intention d’agir comme vous l’avez dit ? Est-ce un projet bien arrêté après mûre réflexion ?

— Mais, dit sir Mulberry en ricanant, est-ce que vous ne vous rappelez pas ce qui s’est passé certain soir que je suis resté sur le pavé avec une jambe cassée ?

— Parfaitement bien.

— Alors, au nom du diable, reprit sir Mulberry, vous n’avez pas besoin d’autre réponse, celle-là suffit, je pense. »

Tel était l’ascendant qu’il avait pris depuis longtemps sur sa dupe, telle était l’obéissance et la soumission dont il lui avait fait contracter l’habitude, que le jeune homme sembla hésiter un moment à continuer l’entretien sur le même sujet ; mais bientôt, reprenant courage, et comme honteux de lui-même, il repartit avec colère : « Si je me rappelle bien ce qui s’est passé alors, vous devez vous rappeler aussi que je me suis expliqué franchement à cet égard, et que je vous ai dit que vos menaces d’aujourd’hui ne s’effectueraient jamais à ma connaissance et de mon consentement.

— Est-ce que vous voudriez m’en empêcher ? demanda sir Mulberry avec un éclat de rire.

— … Ou…i, je vous en empêcherai, si je peux, répliqua l’autre vivement.

— Voilà au moins une clause prudente ; vous avez bien fait de l’ajouter en cas de besoin, dit sir Mulberry. Écoutez, occupez-vous de vos affaires et laissez-moi m’occuper des miennes.

— C’est que cette affaire-ci est aussi bien la mienne que la vôtre, continua lord Frédérick ; j’en ferai mon affaire, ou plutôt j’en fais dès à présent mon affaire ; j’y suis déjà assez compromis comme cela.

— En ce cas, faites donc de votre côté ce qu’il vous plaira et comme il vous plaira, dit sir Mulberry affectant un ton dégagé