Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/277

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dans leurs chansons, dit le vieil Arthur, ce ne peut être que pour le besoin du vers. Après ça, cette chansonnette-ci n’est pas fameuse ; une pauvre petite chanson de campagne qu’on m’a apprise dans mon enfance ; tiens ! mais… un instant ! la jeunesse, ce n’est peut-être pas déjà si bête !… c’est la mariée qu’ils veulent dire… ma foi ! oui, hé ! hé ! hé ! c’est de la mariée qu’ils veulent parler. Ma foi ! c’est excellent, excellent, sans compter que c’est vrai, très vrai. »

Il fut si heureux de cette découverte qu’il recommença le couplet avec un redoublement d’énergie accompagné par instants d’un balancement de tête tout à fait folâtre. « Mais reprenons nos occupations, dit-il.

« Le vert-bouteille, oh ! c’était un fameux habit que le vert-bouteille, sans compter que je l’ai acheté si bon marché au fripier, et encore… hé ! hé ! hé ! c’est qu’il y avait un vieux schelling dans la poche de côté. Quand on pense que le fripier ne s’était pas seulement aperçu qu’il y avait un schelling dedans. Moi, par exemple, je ne l’ai pas manqué ; je m’en étais déjà aperçu en tâtant le drap pour en examiner la qualité. L’imbécile ! et puis il n’est pas mal chanceux ce vert-bouteille, il m’a porté bonheur, dès le premier jour que je l’ai porté : le vieux lord Mallowford a été trouvé brûlé dans son lit, et toutes ses dettes remboursées ; décidément, je veux me marier en vert-bouteille. Peg ! Peg Sliderskew… je mettrai le vert-bouteille. »

À cet appel répété deux ou trois fois d’une voix retentissante, à la porte de la chambre, on vit bientôt paraître une petite vieille mince, terreuse, chassieuse, boiteuse, hideuse, qui, essuyant du coin de son tablier sale sa figure ratatinée, lui demanda à voix basse, comme les sourds n’y manquent jamais :

« Est-ce que vous m’appelez, ou si c’est la pendule qui sonne ? J’ai l’oreille si dure à présent que je n’y connais plus rien ; cependant, quand j’entends du bruit, je sais bien comme de raison que c’est vous qui le faites, puisque, excepté vous, il n’y a jamais âme qui vive dans la maison.

— C’est moi, Peg… moi, dit Arthur Gride en se donnant une tape sur la poitrine pour qu’à défaut du son sa gouvernante pût comprendre le geste.

— Vous ? eh bien ! reprit Peg, qu’est-ce que vous voulez ?

— Je veux me marier en vert-bouteille, cria Arthur Gride.

— C’est bien trop bon pour se marier, maître, répliqua Peg après avoir jeté un coup d’œil sur l’habit. Est-ce que vous n’avez pas quelque chose de plus mauvais que ça ?

— Rien de convenable.