Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/298

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Enfin, voici les cheveux coupés et frisés, et le vieux monsieur, qui était resté quelque temps à attendre, se lève aussi pour s’en aller. Il prend le bras de Newman, pendant que celui-ci continue dans la rue son office d’écuyer accompagnateur de Mlle Kenwigs, et marche quelque temps avec eux sans faire la moindre observation. Newman, qui pouvait se vanter de n’avoir pas son égal pour les habitudes taciturnes, ne fit aucun effort pour rompre le silence ; aussi était-on déjà tout près de la maison quand M. Lillyvick se décida à ouvrir la bouche.

« Dites-moi, monsieur Noggs, les Kenwigs ont dû être bien saisis de cette nouvelle.

— Quelle nouvelle ? répondit Newman.

— De… mon…

— Mariage ? demanda Newman.

— Ah ! répliqua M. Lillyvick en poussant encore un gémissement qu’il ne songea même pas à dissimuler par une petite toux.

— Nous l’avons tenu longtemps caché à maman, interrompit Mlle Morleena ; mais cela ne l’a pas empêchée de bien pleurer quand elle l’a su. Papa a été aussi bien abattu, mais il va mieux maintenant ; et moi aussi, j’ai été bien malade, mais je vais mieux aussi.

— Est-ce que vous embrasseriez votre grand-oncle Lillyvick, s’il vous le demandait, Morleena ? dit le percepteur avec quelque hésitation.

— Certainement, mon oncle Lillyvick, répondit Morleena avec l’énergie combinée de son père et de sa mère ; mais non pas la tante Lillyvick ; ce n’est pas ma tante, et je ne lui donnerai jamais ce nom. »

Morleena avait à peine achevé de prononcer ces mots, que M. Lillyvick l’enleva dans ses bras pour mieux l’embrasser, et, voyant qu’ils étaient arrivés déjà à la porte des Kenwigs, il monta droit à leur salon, portant toujours dans ses bras miss Morleena, qu’il déposa au milieu de la chambre, pendant que M. et Mme Kenwigs étaient à souper. À la vue de leur oncle parjure, Mme Kenwigs devint pâle et se trouva mal, tandis que M. Kenwigs se leva avec majesté.

« Kenwigs, dit le percepteur, donnez-moi une poignée de main.

— Monsieur, dit M. Kenwigs, il est passé le temps où j’étais fier de donner une poignée de main à un homme comme celui que je vois maintenant de mes yeux ; il est passé, monsieur, le temps où une visite de cet homme excitait dans mon sein