Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/303

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nement ; quand je vois ses affections se développer dans ces épanchements légitimes, je trouve que sa nature est aussi élevée et aussi étendue que sa situation sociale, où il joue un rôle si honorable, et je crois entendre la voix de mes enfants au berceau, dont il a assuré l’existence, me murmurer doucement à l’oreille : Voici un événement que le ciel même regarde avec bonheur. »


CHAPITRE XXI.

Le complot de MM. Ralph Nickleby et Arthur Gride suit son cours.

Animé d’une de ces résolutions vigoureuses et déterminées que des circonstances exceptionnelles inspirent quelquefois aux natures même les plus indolentes, l’adorateur de Madeleine Bray, qui était au contraire tout feu et tout ardeur, en voyant poindre le jour, sauta à bas de sa couche agitée, que le sommeil n’avait pas visitée de toute la nuit, et se prépara à la dernière tentative sur laquelle reposait le dernier espoir, espoir faible et fragile, d’un heureux succès.

Il est possible que, pour les esprits inquiets et ardents, le matin soit l’heure naturelle de l’énergie et de l’activité ; cependant ce n’est pas le moment où l’espérance est la plus vive, ni le courage le plus entreprenant et le plus spontané. Dans les positions critiques et périlleuses, l’habitude de les envisager, un examen consciencieux des difficultés qui nous entourent, en nous familiarisant avec le danger, diminuent par degrés nos appréhensions, et produisent une indifférence relative, quelquefois même une vague et mystérieuse confiance dans quelque secours inconnu, dont nous serions bien embarrassés d’avoir à expliquer la nature ou la force. Mais quand nous abordons ces réflexions, le matin, à tête reposée, après avoir traversé cette sombre et silencieuse lacune qui sépare déjà le jour d’aujourd’hui du jour d’hier ; quand il nous faut river de nouveau chacun de ces anneaux dont se compose la brillante chaîne de l’espérance ; quand notre enthousiasme s’est calmé pour faire place à la calme et froide raison, le doute et les appréhensions renaissent. Quand le voyageur reprend sa route, au grand jour, il voit se développer devant lui les montagnes escarpées et les