Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/313

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sieur, je vous l’ai dit comme au représentant de l’ami bien cher auquel j’espère que vous voudrez bien le répéter fidèlement. Dans quelque temps d’ici, quand je me sentirai plus calme et que je me serai fait à mon nouveau genre de vie, si je dois vivre assez longtemps pour cela, je lui écrirai. En attendant, je prie tous les saints anges de verser leurs bénédictions sur sa tête et de veiller sur son bonheur. »

Elle se hâtait de quitter Nicolas, lorsqu’il se jeta au-devant d’elle en la suppliant de réfléchir une fois encore au sort au-devant duquel elle courait avec tant d’empressement.

« Songez-y, disait Nicolas avec des prières déchirantes ; il n’y aura plus à s’en dédire après. Une fois le mal fait, plus de remède, tout regret devient superflu et n’en reste que plus profond et plus amer. Mon Dieu ! qu’est-ce que je pourrais donc dire pour vous arrêter sur le bord de l’abîme ? Qu’est-ce que je pourrais donc faire pour vous sauver ?

— Rien ! répliqua-t-elle d’un air égaré. Dieu merci ! voici ma dernière épreuve, c’était la plus cruelle. Prenez pitié de moi, monsieur, je vous en prie, ne me percez pas le cœur par vos prières pressantes ; je… je l’entends qui m’appelle. Je… je ne dois pas, je ne veux pas rester ici un instant de plus.

— Mais, reprit Nicolas toujours avec la même vivacité et la même rapidité de langage, si c’était un complot, un complot dont je ne tiens pas encore le fil, mais que je puis pénétrer avec le temps ; si vous aviez, sans le savoir, des titres à une fortune qui vous fût due et dont le recouvrement vous procurât les mêmes avantages que vous recherchez dans ce mariage, est-ce que vous ne vous rétracteriez pas ?

— Non, non, non, c’est impossible, c’est une illusion, et, d’ailleurs, différer, ce serait lui donner la mort. Le voilà qui m’appelle encore !

— C’est peut-être, dit Nicolas, la dernière fois que nous nous reverrons sur la terre ; il est à souhaiter pour moi que je ne vous revoie plus jamais !

— Pour moi aussi ! pour moi aussi ! répliqua Madeleine sans faire attention à ce qu’elle disait ; il viendra un temps où le seul souvenir de cet entretien avec vous pourra me rendre folle ; mais ne manquez pas de leur dire que vous m’avez laissée calme et heureuse, et recevez pour vous mes vœux au ciel et les bénédictions de mon cœur reconnaissant. »

Elle était partie. Nicolas sortit en chancelant de la maison, poursuivi par le tableau dont il venait de voir le dénouement, comme par le fantôme de quelque rêve délirant. Le jour passa ;